Fermez les yeux, imaginez une vaste forêt, et au milieu de cette forêt un lac paisible, et sur ce lac une île minuscule, et sur cette île si minuscule que seul un petit monastère bouddhiste peut y tenir, un vieux moine et son jeune disciple. Kim Ki-duk ne craint pas de foncer tête baissée dans l’imagerie la plus carte postale pour mettre en scène ce conte philosophique / récit d’apprentissage / parabole sur la sagesse, la difficile accession à l’âge adulte, la faiblesse humaine. Kim Ki-duk, on le sait, avait épaté bien du monde avec son précédent long métrage, L’Ile, pourtant bien frelaté. Cette fois, il semble touché, envahit, par une sérénité nouvelle qui le conduit à choisir pour tout programme esthétique de briquer son image, polir le cliché d’une joliesse exotique. Entretenir la texture lisse d’un académisme sans rayures.

Au pays des matins calmes, les matins sont calmes. Les petits moines écoutent sagement leur maître leur enseigner les vertus des plantes médicinales, l’art et la manière de vivre en complète harmonie avec le grand tout de la Nature. Mais les enfants, parfois, font des bêtises. Le petit moine, pour rire, attache une pierre à une grenouille, un poisson, un serpent, qui en meurent d’épuisement. En guise de punition, le moine condamne son élève à subir le même sort. C’est la leçon du jour. C’est le printemps, suivront l’été, l’automne, l’hiver, chaque saison apportant son lot d’enseignements. L’enfant moine grandit, devient adolescent, puis adulte. Découvre l’amour, s’enfuit, revient alors qu’il est poursuivi par la police, qui le recherche pour meurtre. Le vieux moine, stoïque, ne quitte pas son havre. Ce qu’il y a de renoncement dans une telle entreprise. Vendre l’image de la sérénité séculaire semble l’unique préoccupation de Kim Ki-duk, qui vient lui-même apposer la touche finale à ce terne édifice, en incarnant le moine adulte s’astreignant à une discipline de vie pour purifier son âme souillée. Et se poser au passage en cinéaste mûr qui aurait laissé derrière lui la provoc et l’esbroufe pour s’ouvrir à des profondeurs nouvelles. Son film, pourtant, hurle sa naïveté et sa fadeur à chaque plan. Se méfier de la sagesse orientale : elle est parfois l’alibi à peu de frais d’une platitude sans bornes.