Pour son premier long métrage, Nicolas Brevière a choisi une forme sophistiquée, un récit en quatre temps distincts : quatre portraits de jeunes femmes, d’une durée presque égale, qui se succèdent au cours du film et entre lesquels circule un lien ténu qui pourrait être une question : qu’est-ce qu’une femme ? Question sans réponses bien sûr -comme toutes les bonnes questions- à la fois sensible et théorique comme le film de Brevière qui marque parfois des points dans le filmage des émotions brutes, mais qui se perd souvent dans le désir systématique de la forme originale, dans la posture un peu fausse de l’inventeur formel, alors que c’est plutôt du côté de la « prise documentaire » que l’on prend du plaisir à Plus haut.

Le début du film rappelle beaucoup l’ouverture fameuse de Mon oncle d’Amérique d’Alain Resnais : sur des plans magnifiques de paysages ou de natures-mortes, un savant chaos de voix féminines se présentent -« je m’appelle Irène, Claire, Juliette, Victoria »- se racontent – « j’ai toujours aimé l’idée que, je suis comédienne, j’aime exister dans la foule »- avant de se perdre dans un brouhaha indistinct. Chez Resnais, la structure chorale était le sujet même du film, les trois personnages ainsi introduits dans la fiction devant résumer les lois du comportement humain disséquées par le professeur Laborie, et leur relation entre eux dans l’histoire à venir servant d’illustration incarnée à ses théories de laboratoire. C’est un peu dans le même esprit que Brevière a écrit son film : les quatre portraits montrent des parcours très dissemblables de femmes, mais le choix ne doit rien au hasard et chaque figure féminine a bien pour tâche d’incarner un type de femmes. Si l’ambition typologique est sans commune mesure avec le classement scientifique de Resnais et son scénariste Gruault, la visée de Brevière est similaire, qui capte l’universel de l’identité féminine à travers des cas individuels : derrière le deuil d’Irène, l’arrivisme destructeur de Claire, l’espièglerie très « Amélie Poulain » de Juliette et la vocation quasi-sacrificielle de Victoria, c’est la relation à la Mort, au Désir, à la Liberté, au Travail qui sont traitées, autant de grand thèmes qui essaient de donner une réponse à la question-lien du début.

Hélas, cette démarche ambitieuse n’est pas transformée à l’écran : c’est que les transitions entre les portraits, si elles ne manquent pas d’une certaine beauté formelle, n’ont pas de lien narratif fort. Ainsi, chaque épisode, au lieu de renvoyer à une structure d’ensemble, reste isolé et apprécié comme un court-métrage. L’ensemble du film devient alors très inégal : la crise de larmes d’Irène (Camille Japy) au début, le terrifiant visage gelé de Victoria (Lucia Sanchez) à la fin, sont de beaux moments. En revanche, l’hystérie de la comédienne qui veut son rôle ou les facéties de Juliette qui épie les voisins sont ennuyeux et sans inspiration.