Co-scénarisé par Pascal Arnold, Pieds nus sur les limaces est l’occasion de prendre des nouvelles d’un genre diagnostiqué ici même : celui du cinéma de la Lobotomie Heureuse, dont T’aime de Patrick Sébastien et surtout les inénarrables films de Jean-Marc Barr et Zabou Breitman furent les fers de lance durant la dernière décennie. Caractéristiques majeures des films de cette constellation encore clandestine : hymne à la marginalité foutraque, fruit d’impulsions bien moins politiques que purement publicitaires (à nous la liberté !) ; utilisation du cinéma moins comme activateur de récits que support de divagations post-rousseauistes pas tellement anars ; adhésion très manifeste de jeunes premières à un projet de cinéma travaillé par le seul « naturel », le cru, le sur le vif (Elodie Bouchez dans l’inoubliable Too much flesh ; Ludivine Sagnier, ici en vieille ado grassouillette portant grosses culottes en coton et robes à fleur usées, à des années lumière d’Ozon ou Honoré). Reste un problème de taille : une fois relevés les symptômes d’appartenance de ces films à ce sous-genre un peu bâtard du cinéma français, rien de mieux à l’horizon que le douloureux effort de les supporter. Et sans doute le second long métrage de Fabienne Berthaud, adaptation de son propre roman, atteint-il un niveau rarement égalé en terme de nullité, tant tout ce qu’il propose déroute par son refus pur et simple d’y mettre les formes.

Pieds nus sur les limaces à peu près le navet le plus honteux du moment, détrônant aisément Les Petits mouchoirs ou Homme au bain, depuis la rentrée champions ex-aequo de leur catégorie. Surprend assez vite la manière dont la cinéaste et ses actrices (Sagnier, donc, mais aussi Diane Kruger, au jeu plus neutre que jamais) affirment à longueur de répliques et de séquences leur croyance aveugle en la littéralité sans faille de leur utopie. En ressort un film laid, bête et foncièrement méchant, où il importe moins d’esquiver les lieux communs les plus grossiers (amour / haine entre soeurs, n’égalant jamais l’ambiguïté d’A ma soeur ! de Breillat, vrai bon film à la revoyure ; trentenaire embourgeoisée prenant conscience post-coïtum adultère que la vraie vie n’est pas celle qu’elle a …) que de faire de ceux-ci une revendication ouverte et permanente. Tragédie pour la Lobotomie Heureuse, dont le contenu qui sembla longtemps plutôt inoffensif se révèle soudainement plus inquiétant : les intentions du film se résumant à un jugement sur tout, une déclamation de lucidité quant aux figures imposées d’une époque faisant fausse route, le seul rempart qu’il propose tient dans la platitude de son refus, l’exhibition d’un bête nihilisme qui assurément ne sauvera personne.