« Fable sur la confusion, la consommation et la culpabilité », Petites misères a tout du premier film esbroufeur qui se contemple d’un peu trop près. Si la première partie du film laisse entrevoir quelques enjeux intéressants (un huissier de justice dont le couple est en crise découvre soudainement l’aspect terrifiant de son métier par l’intermédiaire d’un flic humaniste), il se délite peu à peu dans un océan de burlesque mou et vaniteux. Fanatiques des frères Coen, les réalisateurs jouent d’une jolie propension à la fantaisie (des courses dans un supermarché qui virent à un ballet entraînant). Manque pourtant ici du liant, une véritable croyance en ce que l’on dit vaguement (dénonciation du consumérisme et de la société) pour vraiment emporter le film. Passées quelques sympathiques moments, Petites misères se répète, tourne à vide ou souffre d’un évident manque de caractérisation des personnages (tout ce qui fait, justement, la richesse du cinéma des frères Coen).

L’utilisation purement graphique d’Albert Dupontel, simple masque nonchalant et désenchanté, témoigne de cet aspect creux et stérile de l’entreprise. Ce qui est dit et dénoncé importe moins que la façon un peu trop visible qu’ont les cinéastes de vouloir révéler un univers visuel faussement singulier. Moins réussi qu’Electroménager, dans le même genre, et fleurant doucement les écueils de la gentille comédie colorée à la Vénus Beauté ou Reines d’un jour(beaucoup de bonne volonté mais pas un gramme de cinéma là-dedans), Petites misères s’échoue rapidement sur les rives d’une fausse légèreté oubliée sitôt que vue. Car ce qui dérange le plus, dans un tel film, est moins la platitude mal assumée du projet que les prétentions socio-comiques un peu bidon qui le mobilisent. Ni le héros, huissier sans scrupules, ni sa femme, ultra-consommatrice de base, ne parviennent à se rendre sympathiques aux yeux du spectateur. Pire, le bon flic humaniste donne à voir une caricature de bonhomie ridicule et cynique. Rien, dans cet objet sans saveur ni tonalité, ne dépasse le stade de la gentille bouffissure sous anesthésie générale. On se souciera peu de savoir où veulent en venir les cinéastes. La mise en scène fumigène, le scénario sans ancrages ou l’hirsute portrait de personnages grossiers et bouffons achèvent très vite d’y répondre avant eux. Tout y est le signe d’un petit cinéma étriqué et opportuniste, sans autre point de vue que de révéler l’inanité de son discours : de l’anti-quelque chose qui finit par se vautrer dans ce qu’il feint de dénoncer pataudement.