Père et flic s’inscrit dans un sous-genre assez savoureux du thriller, le polar familial, dont James Gray est devenu le maître incontesté avec Little Odessa puis le sublime The Yards. Sans aucun doute, Michael Caton-Jones (Le Chacal) n’a pas le talent de Gray, ce qui n’empêche pas son film de se hisser au-dessus de la moyenne du moment. Vincent LaMarca, un inspecteur respecté traumatisé par l’arrestation de son père pour meurtre lorsqu’il était plus jeune, voit la malédiction familiale se répéter lorsqu’il découvre que son propre fils, drogué à l’abandon, assassine un dealer au cours d’une transaction qui tourne mal.

Le sujet est épatant, porté sur un plateau par un casting haut-de-gamme : Robert De Niro en vieux routard érodé, James Franco en jeune paumé et la touchante Frances McDormand en intermédiaire de luxe. Cette distribution royale n’est pas seule à rendre Père et flic si sympathique, tant Michael Caton-Jones, à reproduire en bon faiseur le style Gray (ambiance funèbre, tragique de chaque geste, effets amplifiés toujours sur le fil), parvient à instituer une atmosphère glauque et envoûtante, partagée entre soigneuses compositions et réalisme urbain cher au genre (les côtes grises de l’Etat de New York, aux antipodes des polars californiens). L’intrigue suit un cours fluide et tendu, avançant sans hésitation jusqu’à la résolution finale : voici donc un pur produit hollywoodien, avec tout ce que cela suppose de maîtrise rassurante et de pis-aller artistique.

C’est dans sa longue scène finale que le film cristallise cet état d’entre-deux : l’interprétation de De Niro semble y fonctionner à double tranchant, avec d’un côté une technique extrêmement sûre déployant tranquillement ses effets, de l’autre un côté si facile que l’ensemble vire à la démonstration et frôle la caricature. Mais la force des enjeux dramatiques autant que ce rendu minimal pour un déluge d’effets parviennent à porter le film jusqu’au bout. Tranquillement, Père et flic s’impose comme un honnête thriller flirtant entre académisme et classicisme. S’y joue, sinon une réelle envie de bien faire, l’expression d’un cinéma archaïque, à l’ancienne, capable de rivaliser avec la plupart des séries B hi-tech du moment.