Payback est un vrai film noir, pur et dur, totalement incorrect, produit par une major -la Warner- et avec une grande star -Mel Gibson ; c’est déjà assez rare pour être remarqué et apprécié. Donc, comme dans tout bon film noir (à ne surtout pas confondre avec le film policier ou le buddy movie cher à Gibson), on s’y tue, on baise, on ment et on vole avec une allégresse certaine, souvent jubilatoire.

Porter (Mel Gibson) est un petit truand qui est laissé pour mort, trahi par sa femme (Deborah Kara Unger) et par son associé Resnick (Greg Henry), à la suite d’un casse réussi. Il survit tant bien que mal, et cinq mois plus tard, Porter réémerge, bien décidé à se venger et à récupérer son dû. Avec l’aide d’une prostituée (la splendide Maria Bello d’Urgences) dont il était anciennement le chauffeur, il retrouve Resnick et l’abat. Mais cet acte de vengeance, qui fait affront aux lois de la mafia locale, appelle lui-même vengeance… Porter, menacé de mort, n’aura alors d’autres ressources que de s’enfoncer d’avantage dans la violence, et de défier les plus hautes instances de l’Organisation pour obtenir enfin satisfaction.
La première chose qui marque à la vision du film est l’impeccable travail fourni par le chef opérateur et le décorateur : toutes les couleurs habituelles de la ville et de la vie sont neutralisées ou estompées, il ne reste que du gris et du noir, habilement photographiés par une pellicule super 35mm granuleuse dans un Chicago intemporel, froid et dur, personnage majeur du film.

La cohérence stylistique, et la recherche permanente de la sobriété donnent au film une esthétique maîtrisée et cohérente qui se démarque sérieusement de l’ensemble des productions actuelles, plus soucieuses d’imageries clippesques (voir Seven et consorts…) que de justesse. Le récit, lui, malgré son origine livresque aux codes préétablis (The Hunter de Donald Westlake) s’apparente plus au théâtre élisabéthain -dans sa construction- qu’au polar classique. En effet, Payback, malgré son ton ultra réaliste et sérieux, voire parfois méchant, se permet à plusieurs moments, de déjanter littéralement et totalement, sans raison apparente, sinon le plaisir de la (mise en) scène. Ici une séquence burlesque entre deux meurtres, là l’irruption de l’absurde et de l’incongru au sein de la logique de vengeance de Porter… Les retrouvailles entre Porter et Resnick, en pleine activité sexuelle sadomaso, sont à cet effet, un vrai modèle du genre. Enfin, les comédiens, de Bill Duke à Gregg Henry, en passant par Maria Bello et James Coburn, Mel Gibson compris (parfait en truand méchant et obtus), sont tous excellents et achèvent de transformer ce qui n’aurait pu être qu’un simple film d’action en un vrai film noir, dur et acéré comme il se doit.
Au final, Payback mérite vraiment le détour, et montre qu’avec la sortie récente d’Un Plan simple de Sam Raimi, le polar américain se porte bien, en tout cas mieux que dans l’hexagone.