Présenté au tout début du dernier festival de Cannes, Pau et son frère a souffert de cette position peu avantageuse alors qu’il faisait partie des plus beaux films vus sur la Croisette. Auteur du très remarqué L’Arbre aux cerises, Marc Recha a construit une oeuvre fragile, à l’équilibre précaire mais toujours préservé grâce au regard du cinéaste, sa capacité à rendre compte des liens imperceptibles entre les vivants et le mort. Alex, c’est le nom du disparu, figure centrale et démiurge secret du récit. Frère de Pau (David Selvas) et fils de Mercè (Marieta Orozco), Alex s’est suicidé pour des raisons que l’on ne connaîtra jamais. Alors que celui-ci s’était éloigné d’eux depuis quelque temps, Alex et sa mère décident de s’embarquer pour les Pyrénées, là où le jeune homme a passé les derniers mois de son existence.

Après une mise en place assez lente lors de laquelle Recha installe les composantes de son expérience à venir, Pau et son frère peut enfin affirmer ses parti-pris, ceux d’un cinéma qui s’aventure au gré d’actions et de gestes simples, voire anodins, pour distiller peu à peu son étrange magie. Entre la famille de sang et la famille de cœur (les habitants du village) s’établissent des rapports chaleureux et désordonnés, faits d’amour et d’ivresse, de partage et d’évidence. Une connexion immédiate qui semble guidée par la perte commune d’Alex, la volonté de ressentir ce dernier à travers le regard ou la chair des autres. Cette présence quasi-fantomatique, Recha choisit à la fois de l’authentifier (la silhouette du défunt surveillant -régissant ?- son petit monde du haut de sa montagne) et de la faire résonner à travers les mille et un faisceaux sensibles qui traversent les protagonistes. La nature agit ainsi comme révélateur de sentiments mystérieux et de pulsions lumineuses rendus à merveille par une mise en scène dépouillée d’artifices, où le filmage brut, l’authenticité pure et dure laissent émerger une ambiance à la douceur prégnante et aux impressions métaphysiques. A la recherche d’une nouvelle existence (quête stigmatisée par le décès de Pau), les héros du film vivent leur révolution intérieure au fil de parcours pour le moins aléatoires, aveuglément guidés par les signes épars et parfois abstraits laissés par le disparu. C’est ce fantastique lié à la persistance des âmes post mortem, à la croyance en l’Autre où qu’il soit, qui donne à Pau et son frère toute sa puissance d’évocation.