Thriller construit sur le même modèle que Seven ou Le Silence des agneaux (un psychopathe omniscient manipule les autorités policières), Oxygen, trop sage et transparent, ne suscite malheureusement pas un émoi aussi troublant et intense que ces deux références du genre. Pourtant, en mêlant suspense de la cruauté et inclinations sadomasochistes, l’histoire porte en elle les germes d’une perversité sous-jacente capable de susciter un sentiment de révulsion équivalent. Harry, sorte de magicien spécialiste de l’évasion, jouissant de situations d’enfermement et de meurtres, kidnappe l’épouse d’un riche collectionneur d’art, l’enterre vivante dans une caisse, puis exige une rançon. Rapidement arrêté, il ne consent à révéler le lieu où est ensevelie l’épouse qu’à la condition de se retrouver en tête-à-tête avec Madeline, l’inspecteur de police, adepte d’une sexualité masochiste mal dissimulée et difficilement assumée, qui se trouve à l’origine de son arrestation.

Curieusement, la réalisation se refuse à jouer le jeu imposé par un scénario qui ambitionne de nous priver d’oxygène. Franche et limpide, elle se fie aveuglément à la force dramatique de l’engrenage mis en place au départ et de l’interrogation qu’elle provoque (à quoi joue Harry ?), jusqu’à se contenter de suivre chronologiquement, pas à pas, l’évolution de la situation. Sous cette forme, Oxygen manque « d’airs » et de « mise en scène ». Car le thriller exige justement le tour de magie visuel, la transformation de faits bruts dépourvus d’intensité scénique en réalité virtuelle artificiellement tragique. Masquer, tricher, mentir, révéler à contretemps, amplifier constituent les ingrédients indispensables de cette alchimie. Oxygen tente de s’en passer en jouant la carte du réalisme formel. Pari perdu. D’autant plus que cette déficience formelle affecte non seulement l’acuité du suspense (l’insoutenable, aiguillon de notre angoisse, reste hors d’atteinte du film), mais minimise également l’impact de la plongée dans les profondeurs d’un univers pulsionnel dérangeant.

Si les intentions qui animent la confrontation entre Harry et Madeline soulignent sans retenue morale la similarité inquiétante des deux personnalités en présence (flic et serial killer) et leur penchant ludique pour une souffrance subie ou causée mais de nature toujours jouissive (voir la dernière scène où Harry se fait enterrer à son tour), ni la forme du récit, ni le dispositif du face-à-face ne parviennent à les transcender en une terrifiante et irrésistible montée d’une dictature des pulsions. L’ultime et chaotique rebondissement final qui lorgne sans vergogne vers Seven n’y pourra rien, les ingrédients sont là mais il manque le tour de main. Vraiment dommage.