Retour tant attendu de l’espion qui venait de la IVe République, retour d’un concept génial qui, le temps d’un premier épisode (OSS 117 : Le Caire, nid d’espions) avait prouvé que la cause de la comédie made in France n’était pas absolument perdue. Cette suite est au moins aussi réussie que la première mouture (voire, d’un point de vue comptable, peut-être plus drôle encore), alors même que disparaît le bénéfice de la surprise : surprise absolue d’un film qui se permettait à la fois une impressionnante précision plastique (jusqu’au moindre détail, un film à la manière de, plutôt qu’une parodie) et un comique basé sur un personnage imbécile, et sur ses préjugés de crétin civilisé. Comme on le disait dans Steak, OSS 117, c’est, littéralement, du « nouvel humour ».

Rio ne répond plus continue de plus belle. Les temps ont changé, on est désormais en 1967, une époque moins exotique (couleurs, jupettes). Au Brésil, le Mossad chasse les anciens Nazis. Sur la plage, des hippies. En France, on pense toujours que tout le pays a vaillamment résisté à l’envahisseur allemand. Le monde entier est sur le point de basculer, un an plus tard, mais il est vu à travers les yeux de celui qui est le moins à même de le comprendre.

Dans une ambiance L’Homme de Rio (le film est bourré de références, finement traitées), la bêtise de Hubert Bonisseur de la Bath se cogne à de nouvelles têtes : les Juifs, en la personne d’agents du Mossad. Et dans ce domaine, innocemment étouffé par ses atroces clichés, rien ne l’arrête, puisqu’il ne peut pas changer, par nature, quand tout change autour de lui. Il en va de même pour l’ennemi : les Nazis, les seuls à la hauteur d’OSS 117, comme si seule l’absolue ignorance pouvait s’opposer à l’absolue barbarie. Il faut au personnage l’écart infini entre les Juifs et les Nazis (qu’il tente de réconcilier comme un arbitre de foot : allez, serrez-vous la main et on n’en parle plus) pour bien mettre les pieds dans le plat, lui qui n’imagine pas l’existence du Mal. Un épisode particulièrement drôle (la nuit peace and love sur la plage) vient figurer à merveille, et crûment, le versant allégorique du personnage, via sa découverte d’une certaine forme de plaisir anal dont le souvenir n’insiste en lui que sous la forme brumeuse d’un souvenir de lendemain de cuite : à travers Hubert, c’est aussi une certaine France qui ne veut pas réaliser que l’histoire, de temps en temps, lui en met un petit coup.

De même que les Nazis reviendront toujours, le comique d’OSS 117 se situe désormais dans une logique de boucle qui s’ouvre à une sorte d’inépuisable épuisement. L’état du nouvel humour est condamné à une immobilité mouvante, à la répétition sans fin du même. Dujardin, encore plus à l’aise que dans le premier épisode, est prodigieux dans cet exercice, ses fous rires qui n’en finissent pas et ses répétitions mécaniques doublent sa stupidité de base d’une idiotie plus fondamentale. Une poursuite au ralenti dans un hôpital vient fixer ce blocage : reproductible à l’infini, condamné à l’identique, OSS 117 sera toujours pareil, toujours différent, toujours hilarant, toujours bath.