5/5 à OSS 117 avec Jean Dujardin, ça vous étonne ? Nous aussi. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut s’enthousiasmer à propos d’une comédie française « grand public ». Le plaisir de voir enfin un french blockbuster, avec une grosse vedette et des modalités de production et de distribution qui sont d’ordinaire celles de la soupe qu’on nous sert chaque mois, voir une grosse comédie qui ne soit ni beauf ni bourrine ni affligeante. 5/5, donc, pour marquer le coup, comme on dit, et simplement en guise d’évaluation de ce film épatant. Pour saluer aussi le fait que dans le genre, on n’avait pas vu ça depuis des années, puisque la comédie à la française s’est ratatinée autour de pitoyables figures bronzées, youniennes, bessoniennes, etc. Si OSS 117 mérite tous les éloges, c’est bien pour la singularité qui est la sienne, et l’équilibre étonnant qu’il a su trouver entre ses postulats de grosse comédie à vedette et une série d’expérimentations visuelles d’une incroyable précision. Hubert Bonisseur de la Bath, alias OSS 117, est né après la guerre de l’imaginaire de Jean Bruce, notre Ian Fleming à nous. C’est l’agent secret star de la IVe République, qui de Bangkok à Tokyo en passant par Rio et Manille, remet de l’ordre là où il y a du rififi. André Hunebelle dans les années 60 avait déjà porté à l’écran ses aventures, avec le kitsch que l’on devine. C’est fois, c’est au Caire, en 1955, qu’il y a du grabuge, et OSS 117 est envoyé par ses supérieurs pour mettre de l’ordre dans une fourmilière où s’ébattent autour d’une cargaison d’armes volées des espions venus de partout, des révolutionnaires locaux, un agent volatilisé, une princesse déchue.

Le film frappe immédiatement par la netteté de ses choix techniques, tout un arsenal mobilisé pour retrouver l’impression des films d’époque : pellicule, focales, éclairages, trucages, décors. Ambiance exotisme de pacotille et chic toc, phrasé des comédiens modulé selon le rythme des doublages estampillés 50’s, casting de méchants d’opérette, etc. Davantage qu’un soin apporté à la réalisation, c’est l’ambition post-moderne du film qui impressionne. Cette manière de refaire sans parodier ni copier. Soit la méthode opposée à celle d’un Austin Powers, par ailleurs délicieux. Seul un décalage nourrit la mise en scène, entre le perfectionnisme de la reconstitution d’une ambiance et l’actualité de ses moyens à l’époque d’un cinéma conscient de son âge et qui ne cesse de relire son histoire. Il ne s’agit pas de  » faire comme « , ni de pasticher, mais de produire une authenticité que l’on sait factice, et de travailler la matière du cinéma comme un tout structuré par des paradigmes acquis de longue date. Ambition forte, exécutée avec une fraîcheur ravissante, et qui rejoint des horizons lointains, ceux de l’art contemporain par exemple -OSS 117 c’est du Pierre Huyghes dans votre Multiplex.

Là où le film est très fort, c’est aussi dans le portrait qu’il dresse de cette France coloniale qui se croit chez elle partout, persuadée de son désormais célèbre  » rôle positif « , aussi prévenante que ferme vis-à-vis des fourbes autochtones qu’elle mate. Il distribue des photos de René Coty aux Egyptiens, pense apprendre l’arabe en une soirée, fait taire le muezzin qui le réveille chaque matin et tape sur l’épaule d’un dignitaire local en lui assurant que la France s’occupe bien de ses enfants d’Outre-mer : OSS 117 est plus bête que méchant, mais le film parvient à tenir debout sans jamais le moquer ce personnage ignare, raciste, misogyne, homophobe et rempli de la condescendance des colons. De la part du film, nulle complicité bien sûr avec cette incarnation de l’époque, qui s’évite à tout instant le ridicule. Et faire rire de cela (disons-le enfin, le film est très drôle), aujourd’hui, n’est pas un mince exploit. Ce n’est pas le seul de cet objet excentrique, la belle surprise d’un gras cinéma français dont on n’attendait plus grand chose.