Comme Les Virtuoses (1996), son film le plus remarqué qui remporta le César du meilleur film étranger et un succès public qui devait beaucoup à ses qualités de cœur et à son absence de prétention -gage d’authenticité comme on sait-, Newcastle boys est un film simple et touchant sur des personnages simples et touchants. Cette équation sans inconnues est devenue un genre du cinéma anglais : on y retrouve les mêmes figures de la misère prolétaire -l’enfant débraillé, le père ivrogne et cogneur, la mère malade qui aime ses fils, la tante protectrice, etc. -les mêmes accents pour les « parler »-it’s a present for ya-, les mêmes loisirs pour les rendre vivants -sports et pubs -, les mêmes malheurs pour les rendre attachants -cortège de chômage et de services sociaux omniprésents.

Il y a comme un cahier des charges à remplir pour peaufiner la représentation des gens simples en « humains » qui agace beaucoup : comme s’il fallait encore tracer la ligne du Bien et du Mal chez les pauvres pour leur donner une place et une reconnaissance. Comme si, à l’entrée de ces fictions du « Cœur prolétaire », le réalisateur posait un avertissement un peu terrorisant du genre : « Avant d’entrer, veuillez déposer vos raisons raisonnantes pour laisser parler l’enfant qui est en vous. » Or, ce n’est pas difficile de s’émouvoir devant le film ; ce qui l’est en revanche, c’est de se situer par rapport à ce qui est raconté. Or, la répétition du même, qui est le moteur de ces fictions, sous la forme d’un pathos qui s’empare de tout, empêche une mise à distance nécessaire. On connaît les arguments de ceux qui condamnent les « peine-à-jouir » de ce cinéma « social » : mépris pour le peuple, point de vue d’intello et pour couronner le tout : « C’est un film sans prétention qui a pour vocation de distraire. » Or, c’est sans doute tout l’inverse qui se produit : il n’y a de mépris nulle part, mais de l’indifférence partout.

Car ce qu’on reproche à Mark Herman, ce n’est bien sûr pas de raconter ce qu’il raconte -les déboires plutôt drôles de deux adolescents paumés de Newcastle, passionnés de football et qui multiplient les coups les plus pendables pour s’offrir leur rêve : deux cartes d’abonnement pour le championnat national-, c’est sa relation faussement béate à ce qu’il met en scène et qui n’est pas rien : un fils sans père qui reçoit les coups et ne trouve nulle part son bonheur que dans le souvenir familial de son ami ou sur le balcon d’un immeuble collectif donnant sur le terrain où joue son équipe favorite. Or, le traitement d’Herman, une suite de situations plus ou moins drôles, plus ou moins émouvantes, ne dit rien sur le sujet, ne vise qu’à l’agréable. Et se croit peut-être utile.