Fanny Ardant et Gérard Depardieu devenus mari et femme, embarqués dans une histoire d’adultère, ça rappelle forcément quelque chose, comme une issue imaginaire au drame de La Femme d’à côté. Qu’est-il arrivé à l’éternel thème de l’adultère dans le cinéma français depuis le film de Truffaut ? Il s’est replié sur le fantasme et accouplé à lui. Pourtant, paradoxe à part, le recours au fantasme et à une espèce d’oralité semi-rêvée (cf. la dernière scène au bistrot dans Les Sentiments de Noémie Lvovsky et ce Nathalie… ici présent) se donne moins les atours d’une stratégie d’évitement qu’il n’apparaît comme une manière de s’ouvrir à la trivialité, sans toutefois quitter la bienséance bourgeoise. En clair, l’adultère chez les bourgeois se vit dorénavant sur le mode d’une parole qui rassure : désormais, on parle de cul, et ça fait du bien. Dans ce paysage, évidemment, le très beau Marie-Jo et ses deux amours de Robert Guédiguian, éloigné de toute friction avec les impératifs du couple bourgeois, offrait une formidable bouffée d’oxygène. Le film d’Anne Fontaine, lui, ne fait qu’entretenir sans entrain ce besoin de recours, de décalage sur un autre plan (oralité et fantasme) de la vie sexuelle.

Presque au détour d’une conversation, Catherine (Fanny Ardant), apprend de son mari qu’il la trompe de temps en temps, avec des filles sans importance. Qu’il l’aime néanmoins. Exclue de ce temps amoureux vécu loin d’elle, Catherine décide d’y pénétrer de force grâce à Nathalie (Emmanuelle Béart), une prostituée qu’elle recrute pour séduire son mari. Ce que la belle, ultra sexe, n’a aucun mal à faire. Le film alors avance au rythme des rencontres entre les deux femmes, où l’une écoute l’autre lui raconter les frasques sexuelles de l’homme avec lequel elle ne fait plus que dormir. Séances confessions intimes d’où, nécessairement, naît un trouble (et les ralentis qui vont avec), et que la cinéaste se plaît à mettre en scène comme si de rien n’était, tout en se félicitant intérieurement de tant de mystère. Le glacis chiant du film (psychologie féminine et fausses audaces enrobées dans un paquet classieux) se laisse attirer, parfois, par le trou qu’il a creusé lui-même, tout ce vocabulaire porno chic qui lui fait peur. Dans ce cinéma-là, de toute façon, on aime bien se faire peur (Catherine-la-gynécologue serait-elle attirée sexuellement par Nathalie-la-belle-pute ?). Tout cela éclipse totalement ce que le dénouement peut avoir de tristement convenu et de proprement bourgeois -gros retournement final, dégonflage de la part obscure du mari volage, promesse de renaissance d’une vie sexuelle et au dernier plan Ardant et Depardieu main dans la main sur le chemin du lit. Mais justement, n’est-ce pas la vérité du couple qu’il doive se laisser aller à quelques égarements, s’abandonner aux sentiments de sa classe (culpabilité, goût pour le rabibochage conventionnel, souci des apparences) pour persévérer ? Cette vérité-là, le film la tient pour acquise. Libre à lui.