Petit polar standard, Narc, signé du débutant Joe Carnahan, repose sur un suspense malin, quoique légèrement artificiel, et sur l’interprétation lumineuse de son duo d’acteurs sur le retour : Ray Liotta / Jason Patric. Le scénario suit l’enquête de Tellis, un « narc » (stupe), concernant le meurtre mystérieux d’un collègue. Flanqué de Oak, un lieutenant violent et douteux, Tellis plonge dans les bas-fonds de Detroit, nimbés de vapeurs bleutées et d’hallucinations glacées, pour s’y perdre en une étrange quête fondée sur l’apprentissage des notions -forcément réversibles- du Bien et du Mal.

A l’actif de Narc, une réalisation dynamique qui, si elle se complaît parfois dans une stylisation un peu puérile, tient la route d’un bout à l’autre du film. Peu à peu, la machine s’emballe et fait naître un véritable intérêt pour les personnages : d’autant que les principes sine qua non de fluidité et d’efficacité inhérents à tout bon vieux buddy movie sont respectés à la lettre. A ce titre, le film fait songer à l’excellent Training day d’Antoine Fuqua, aussi bien pour son aspect anachronique, signe d’un vrai amour pour le genre, que pour sa volonté de lifter en douceur des codes et des figures très traditionnels : il s’agit de retoucher avec respect, de ne jamais se mettre au-dessus des maîtres dont on s’inspire en toute conscience de cause (Friedkin, Boorman et le néo-polar des années 70).

La dimension humaine du film est suffisamment travaillée pour ne pas sombrer dans la caricature, et surtout empêcher les effets de manche du scénario (une sorte de whodunit roublard) de prendre le pas sur le reste, comme ce serait le cas chez un petit malin. Carnahan s’en tire haut la main, sans prétention ni humilité trop étriquée, créant notamment un véritable trouble lorsque, dans la dernière partie, se radicalisent les conflits latents et retenus qui ont plombé tout le film : une longue scène en lieu clos, flirtant avec le grotesque, mais où s’impose la patte sûre et généreuse d’un authentique filmmaker.