Mrs Tingle, c’est la prof qu’on a tous connu, celle qui blesse notre amour-propre, condamne nos velléités les plus sommaires, s’enorgueillit de sa méchanceté gratuite. Dans le film de Kevin Williamson, les héros assurent la revanche à laquelle nous n’avons pas toujours eu droit : éduquer Mrs Tingle (comme l’indique le titre original), lui faire admettre ses torts, participer enfin à cette rhétorique de la destruction.
La victime, ici, a les traits d’une lycéenne irréprochable : Leigh Ann (Katie Holmes, clone américain de Séverine Ferrer) est en effet une élève brillante, bûcheuse et, ce qui ne gâte rien, plutôt jolie. Or, la donzelle ne roule pas sur l’or : pour pouvoir accéder à l’université, elle doit absolument décrocher une bourse d’études, et donc finir major de sa promotion. Ceci ne poserait aucun problème si ce n’était la perfidie de Mrs Tingle (la géniale Helen Mirren, presque sous-employée), son professeur d’histoire, qui se complaît à la noter injustement et l’accuse de tricherie à la suite d’un mauvais concours de circonstances. Fidèles alliés de Leigh Ann, Luke et Jo Lynn vont l’aider coûte que coûte à obtenir sa bourse, jusqu’à persécuter Mrs Tingle à son domicile…

Depuis le début de sa carrière de scénariste, Williamson semble obsédé par le « monstre » présent, selon lui, en chaque adolescent, que ce dernier soit névrosé (la série des Scream) ou ordinaire (le groupe d’amis de Souviens-toi l’été dernier). Comment une situation extrême peut faire surgir en lui des ressources inconnues, le mener à des actes dont il ne se serait jamais cru capable, le confronter de force à ce qu’il cache de plus mauvais. Ce phénomène du « réactif néfaste » est généralement observé avec un manque d’assurance et de réflexion évidents (sauf quand c’est Craven qui s’y colle, réussissant à embarquer ses films dans d’autres directions plus abouties). Mrs Tingle ne fait pas exception à la règle, barbotant timidement dans les eaux troubles, voire risquées, de l’auto-défense et de ses débordements cruels, sans en assumer pleinement la démesure liée à la fiction. Ainsi, l’on peut regretter que Williamson, pour son premier essai en tant que réalisateur, fasse preuve, finalement, de peu d’audace : une Mrs Tingle dont le verbe parfois radoteur aurait gagné à être plus excessif, des teenagers un tantinet trop mous, une mise en scène franchement banale, des séquences qui reculent devant leurs propres idées (les photos pornos entre Luke et Tingle). Cette pusillanimité n’empêche en rien le divertissement (à condition de ne pas être exigeant), mais, à force de s’y heurter, Williamson ne propose qu’un film bâtard et sans grande ambition.