De temps à autre, Woody Allen abandonne son rôle omnipotent de réalisateur-scénariste-acteur pour se mettre au service d’autres cinéastes. Mais que ce soit chez Paul Mazursky avec Scènes de ménage dans un centre commercial (1991) ou, plus récemment, dans Company man (1999) de Doug Mc Grath, ces rares incursions n’ont jamais été de grandes réussites. Morceaux choisis ne fait que confirmer ce manque de discernement de la part d’un cinéaste au parcours quasi sans fautes mais qui, en tant qu’acteur, fait des choix plus que contestables. Woody Allen y interprète Tex un boucher qui, lassé des infidélités de sa femme Candy (Sharon Stone), finit par la découper à la tronçonneuse. Parti pour enterrer le cadavre, Tex perd en route, sur les chemins caillouteux du Nouveau Mexique, l’un des morceaux : une main. Une aveugle trébuche sur ce bout de chair et aussitôt recouvre la vue. C’est le début d’une série de miracles…

Une grande partie du comique du film réside dans le fait que cette main reste figée dans une posture inconvenante : le majeur tendu. Cette rigidité post mortem est à l’image de l’ensemble de Morceaux choisis : vulgaire et lourdingue. Le « doigt divin » provoque une série de miracles consternants traduits par des « effets spéciaux » d’une grande laideur -celui qui est doté d’une petite quéquette se voit orné d’une bite de cheval, la fille plate est soudainement gratifiée d’une paire de doudounes à la Lolo Ferrari, quant à la pute vénale, elle découvre les joies de l’amour. Ces blagues de fin de banquet se voient agrémentées d’une sauce latino on ne peut plus indigeste. Réalisateur d’origine mexicaine oblige, on se doit de faire couleur locale, et quelques stéréotypes suffisent : une brune incendiaire, des vierges par-ci par-là et quelques « pinatas ».
Exceptions faites de quelques blagues anticléricales et d’une gentillette critique de l’exploitation mercantile des soi-disant miracles, le film n’arrive jamais à nous dérider. Dans le genre, Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky surpasse largement cette pénible et poussive comédie.