Surtout ne pas se fier à la bande-annonce, probablement la plus trompeuse qu’on ait vue ces temps-ci, et qui laisse augurer une comédie franchement ringarde via la confrontation caricaturale de personnages de milieux sociaux opposés. Impression trompeuse, donc : ce film-ci est expédié en à peu près une demi-heure. Et malgré toutes les craintes initiales, celui-ci ne s’avère même pas si honteux : on peut certes déplorer de grosses facilités (il faudra vraiment trouver autre chose un jour que l’art contemporain comme manifestation de la frime et de la vacuité des classes sup), et une réelle inconséquence, néanmoins il faut lui reconnaître une aisance dans l’écriture, et surtout une rapidité appréciables, la cinéaste prenant soin de ne pas charger la barque, ni de laisser s’éterniser des moments de satire sociale forcément attendus, et un peu laborieux.

Il est toutefois manifeste, dès cette première partie, que le film vise autre chose que ce programme, ne s’en sert que comme point de départ et s’empresse de prendre la tangente lorsque l’occasion se présente. Le traitement des rapports entre Poelvoorde et Dussolier apparaît, à ce titre, tout à fait emblématique : on voit bien que la différence de classe n’est pas ce qui intéresse le plus ici Anne Fontaine, qui en profite surtout pour confronter deux types très différents de masculinité. Rien d’extraordinaire, mais dans les moues de Dussolier, ses confidences encore un peu crispées, la cinéaste frôle parfois quelques réussites américaines du type I love you man. Un film sur l’éveil tardif d’un sexagénaire un peu las ? Déjà plus : voilà qu’apparaît le thème de l’alcoolisme (mondain ou plus), ou que le scénario s’essaie à la romance, parvenant assez bien à capter les débuts rapidement entravés de son couple principal.

Sans doute aucune de ces pistes n’est-elle en soi particulièrement neuve ou excitante. Mais que le récit s’amuse de tous ces possibles, zigzague entre ces différents projets, n’en transforme pas moins le film d’origine de manière tout à fait inespérée. Un nouveau ton, assez indéfinissable, en vient à s’imposer. Dans ses meilleurs moments, Mon pire cauchemar se mue même en un beau mélo initiatique, n’hésitant pas à proposer une nouvelle grossesse, un mariage blanc, une cure de désintoxication ou une surprenante échappée en Belgique. Là où Klapisch, dans son calamiteux Ma part du gâteau, n’offrait à ses classes populaires qu’une pitié proche du misérabilisme, le personnage de Poelvoorde ne cesse ici de prendre de l’épaisseur : beauf, parasite, self-made man débrouillard, amoureux, dépressif… Peut-être tout cela s’opère-t-il en partie au moyen de « coups » scénaristiques parfois légèrement manipulateurs. N’empêche : sur un terrain finalement quasi garrelien (l’errance d’âmes en peine accompagnées d’enfants dont on ne sait jamais trop quoi faire), cette semi-comédie d’apparence vieillotte s’avère nettement plus inventive et émouvante que les derniers films de l’auteur de L’Enfant secret.