De Lassie à Beethoven en passant par Rintintin et Benji, le cinéma américain s’est souvent amusé à starifier la race canine. Protagoniste idéal du film pour enfants, le chien constitue le compagnon de jeu idéal du marmot yankee : fidèle, affectueux, débrouillard, courageux. Les scénaristes l’investissent de nombreuses vertus humaines capables d’en faire un héros attachant au même titre que n’importe quel autre personnage. Skip, le fox issu des souvenirs de jeunesse du romancier Willie Morris, n’échappe pas à la règle.
Dans le Mississippi de 1942, plus précisément à Yazoo, bourgade avachie et ségrégationniste, le petit Willie s’ennuie. Palot, timide, totalement inhibé, il est la risée des sales gosses du quartier qui ne veulent pas d’une poule mouillée comme camarade. Son père, qui a perdu une jambe lors de la Guerre d’Espagne, s’inquiète secrètement d’élever un môme débile et asexué. Tout s’arrange lorsque Willie se voit offrir une boule de poils pour son anniversaire. Skip va en faire un homme, un vrai.

Pour résumer : si votre fils présente des signes d’intelligence inquiétants (lecture de romans, réussite scolaire, considération pour son entourage, plaisir à être seul), le meilleur moyen de le faire rentrer dans la norme (en faire un bagarreur sournois qui joue au base-ball et court après la niaiseuse blonde à tresses du quartier) est de l’accoupler avec un cabot. Tout cela peut sembler de prime abord surréaliste mais c’est bien là le discours hallucinant, car absolument dépourvu de second degré, que tient Mon chien Skip. Outre ce message pontifiant et moralement douteux, le film déploie une mièvrerie attendue et inébranlable. Par ailleurs, la description de la vie du Sud en temps de guerre se limite à quelques clichés creux d’autant plus désolants que les auteurs ont l’audace de faire référence à Mark Twain. Un peu d’émotion facile, un soupçon de nostalgie, une vision superficielle de l’enfance et voilà emballé un produit anonyme de plus, sans aspérité aucune (c’est vrai : Skip lave plus blanc !) équivalent mesquin d’un volume bâclé de la Bibliothèque verte.