Malgré tous les outils de communication disponibles aux XXIe siècle, on est toujours tout seul au monde. Voilà la conclusion de Moi, toi et tous les autres. C’est aussi naïf que terrible. Le paradoxe du mode de vie urbain actuel est au centre du premier long métrage de Miranda July, organisé comme les fameuses autoroutes de l’information en flux tendus, des histoires lancées en parallèles avant de finalement s’entrecroiser pour une arborescence sentimentale. July, ouvrant elle même le bal des ces chroniques intimistes en jouant une vidéaste planchant sur sa nouvelle performance : des photos d’anonymes auxquelles elle prête vie via sa voix. Suivent les pérégrinations de deux adolescentes, d’un vendeur de chaussures, de ses deux fils et… d’un poisson rouge. Le tout dans une banlieue américaine anonyme. Rien de neuf en somme : depuis les chansons de Souchon sur l’ultra-moderne-solitude (par exemple), Virgin suicide ou Bienvenue dans l’âge ingrat, on connaît la capacité des artistes à vouloir exprimer le spleen de l’homo sapiens contemporain en mal d’amour. Tout autant conçu sous le signe du postmodernisme et de l’ironie, derniers trademarks en date du cinéma indépendant américain, il émane pourtant de Moi, toi et tous les autres, une étonnante sensation de fraicheur.

Malgré tout ce que ce film peut avoir d’irritant dans sa vision puérile, voire irresponsable, du monde, impossible de ne pas s’attacher au petit théâtre mis en place par July. Peut-être parce qu’en dessous d’un épiderme des plus factices, son film touche de très près une fibre humaniste, parvenant à rendre extrêmement réaliste les moments les plus improbables comme les dialogues les plus grotesques. Moi, toi et tous les autres, c’est un peu comme si Altman ou PT Anderson décidaient de laisser tomber la misanthropie pour se mettre à la Bibliothèque rose ou gober un ecsta. Un ovni impromptu, tombant d’on ne sait où, guidé par une si désarmante bienveillance qu’il laisserait presque croire, pendant une petite heure et demie, aux vertus de la « positive attitude ». Jusqu’à ce que la réalité, moins rose bonbon que le regard écarquillé que pose July sur ses semblables, reprenne le dessus, et laisse la sensation, pas si désagréable, d’un film en forme de chaleureuse parenthèse.