Aberration parmi d’autres de la dernière sélection cannoise (il y en eut à la pelle en 2004), The Life and death of Peter Sellers (pas moche comme titre, pas trop difficile à traduire littéralement, alors pourquoi ce « Moi, Peter Sellers » bien naze ?), le film de Stephen Hopkins s’attaque -c’est le mot- au génial comique british. Sellers, c’est évidemment un immense chantier, qui part dans deux directions : d’abord, le portrait du bonhomme, son étouffante légende, doublé de la galerie de ses fréquentations (acteurs, cinéastes, épouses, maîtresses, famille). Ensuite, la vaste question qui sous-tend la première : qu’est-ce que c’est qu’un acteur, sachant que Sellers en serait l’exemple le plus extrême, jusqu’à la folie ?

Du portrait, Moi, Peter Sellers, ne fait que tirer de pauvres ficelles. Le côté « attention génie » du film et sa manière d’empoigner bêtement l’habituelle ritournelle sur l’acteur (son hystérie du déguisement, ce désir de rayonner dans la peau de multiples personnages, tout ce qui fait signe vers un trouble du moi que Sellers, dans le film, formule lui-même comme une absence de personnalité) l’emmènent directement au terminus de la psychanalyse pour les nuls. Peter Sellers, rigolo maladif, schizophrène travesti qui n’existe réellement que lorsqu’il a revêtu le masque d’un héros de pellicule ? Evidemment, voyez sa maman : elle est cas-tra-trice. Du coup le deuxième pan du film passe lui aussi complètement à côté de son sujet. Trop occupé à concocter petits effets moches (genre Sellers comme harcelé par ses personnages est réduit à un Playmobil dans l’espace, censé figurer l’éparpillement de sa psyché), à servir la soupe au biopic (vie amoureuse de PS : rencontres, ruptures, scènes de ménage et de séduction) et à sortir de son chapeau d’improbables caméos (Stanley Tucci en Kubrick), Hopkins, pas fin, loupe la perche qui lui est tendue.

Dans le genre, difficile d’esquiver la comparaison avec le magnifique Man on the moon de Milos Forman, à côté duquel le film de Hopkins fait pitié. Eternel panneau du biopic, qui s’en remet à la performance (quel affreux mot) de son acteur, ici Geoffrey Rush qui multiplie les grimaces pour ressembler à Sellers, et récolter statuettes de meilleur employé du mois et louanges andouilles (il est plus vrai que nature… tant mieux pour lui, mais qu’est-ce qu’on s’en fout, ça n’a aucun intérêt de « ressembler », sinon dans les radio-crochets d’imitateurs de Claude François). Non, la vraie réponse à la question initiale -qui es-tu, Peter Sellers ?-, est finalement celle de Blake Edwards, celui qui l’a le mieux filmé. Elle ne se trouve pas dans le film, mais sur le commentaire audio du DVD de La Panthère rose : « Ah, Peter Sellers… (long soupir), la plus grande énigme de ma vie (long silence) ».