Ferrell vs. Galifianakis : c’est la promesse d’un démantèlement surréaliste du vieil antagonisme républicains-démocrates, occasion de voir la tradition du show électoral biggerthan life contaminé par deux formes distinctes de démence. En y réfléchissant bien, la fiction comique US ne se frotte que rarement à l’actualité, encore moins sur grand écran. Voir les lurons SNL (salut à Dan Aykroyd, dont le personnage imite l’un des vieux grigous d’Un Fauteuil pour deux, où il excellait) ou Comedy central mettre les pieds dans le plat de la campagne 2012 a donc quelque chose d’excitant, et en même temps, de douteux : la guéguerre des deux clowns (un dadet démocrate bourrin et chaud lapin contre un petit républicain veule et prude) ne risque-t-elle pas de virer à la simple singerie Obama-Romney ? Malgré les dingueries respectives de l’un et de l’autre, toutes deux personnelles et prolixes, on n’est pas à l’abri d’un mimétisme un peu paresseux du politicard aux longues dents blanches.

Le danger est partiellement écarté par une astuce qui tarde un peu, hélas, à se déployer : couler la campagne (ou plutôt : la guerre des nerfs et des quolibets d’ado) dans le moule dada du tandem Ferrell – Galifianakis, lui faire prendre la tournure d’un sketch décomplexé, détournant avec plus ou moins d’inspiration le régime d’images qui envahissent le monde en période électorale. Exemple : Galifianakis adopte le fils de Ferrell dans un clip de campagne, ce dernier riposte en baisant la grosse femme de son rival dans un spot-réponse. Rappelons, si besoin est, que les deux zèbres, avec quelques alliés de l’axe SNL / Adult Swim et autres, portent une folie qui n’est pas que régression, mais constitue une réaction défensive contre toute forme de « convention » – dans leur cas, on n’emploie pas le terme de « dada » à la légère. Aussi, quand deux comiques de leur trempe endossent des costumes de politiciens, leur folie indomptée permet de rejeter en bloc tout le stoytelling qui ronge l’Amérique, ses normes, ses règles, exacerbées évidemment dans le manège électoral. Au-delà du politique, Moi, député rejoint plus généralement une lignée de comédies et de fictions US contemporaines, où le mensonge est poussé, distendu à l’extrême, et où la vérité, la simple vérité, devient la seule croyance et la seule valeur possible.

Reste que la sauce ne prend pas toujours, loin de là : Galifianakis est de ce genre de comiques capables d’aller au-delà du rire, dans une sorte de no man’s land de la pensée (voir ses prestations auprès des deux aliénés Tim et Eric), et qui s’avèrent moins drôle face à autrui que dans une pièce toute blanche et toute vide, où leur drôlerie peut déflagrer. Ferrell propose de son côté une compilation allégée de ses meilleurs mégalos débiles (Ricky Bobby, Ron Burgundy), sans déceler LE détail qui distingue son personnage d’un simple Clinton déboussolé. Leurs gesticulations sont finalement moins tordantes que touchantes, puisque le tableau final dépeint quelque chose de fondamentalement triste : deux pantins désarticulés et à court de mensonges.