Depuis la publication du Nouvel Hollywood de Peter Biskind, l’étude du cinéma américain a revêtu une forme plus triviale qu’esthétique. La politique des auteurs n’est pas forcément exclue du dispositif, mais elle se mélange avec d’autres axes essentiellement journalistiques. Midnight movies mange de ce pain-là, n’hésitant pas à partir de la salle de cinéma pour mieux comprendre le film. Il liste méthodiquement les cinq questions essentielles qui innervent le journalisme moderne : où, quand, comment, qui et pourquoi ? Où ? Quelques salles mythiques new-yorkaises qui ont lancé de grands succès du cinéma underground à la séance de minuit, de El Topo de Jodorowsky à Eraserhead de David Lynch. Quand ? A la fin des années 60 jusqu’au début des années 80, période charnière où la société américaine s’encanaille avant que ce vent de souffre et de liberté ne devienne qu’un refoulement adolescent du cynisme à venir des années 80. Qui ? Quelques auteurs emblématiques de l’époque, des producteurs, des exploitants de salles aussi, tous experts en anecdotes croustillantes qui se chargent d’expliquer le pourquoi et le comment.

Evidemment, comme il est question du rôle précieux et festif des petites salles de quartier, à la fois promotrices révolutionnaires de produits rebus et lieux quasi-religieux où le cinéma fait figure d’hostie psychédélique, il en sort un fort parfum de nostalgie. Evidemment parce que ce temps est révolu, mais parce que Stuart Samuels ne cherche pas à dissimuler sa propre fascination pour ce petit circuit de distribution utopique parce que brinquebalant et lointain, cousant le fun et le mythe sans aucune vergogne. Le dispositif ne manque pas de sympathie et c’est seulement pour cela qu’il faut le voir, pour son côté liste de films fétiches forcément aléatoire, pour le plaisir du simple ressassement cinéphile voire de l’exhumation. En témoignent les visages fripés des uns et des autres, gentiment ringards pour ceux qui sont restés soudés à la contre-culture (Romero, Waters et les distributeurs), ré-humanisés pour d’autres, reclus du monde (Jodoroswky) ou définitivement consacrés (Lynch). Samuels les filme tous de la même façon, en hommes troncs de reportage télé et ce formatage les ressoude le plus naturellement du monde, tous égaux face à l’anecdote, à la période qu’ils ont plus ou moins construit, à l’amour que leur porte celui qui les filme. Plus bonus DVD que document à part entière, Midnight movies n’est qu’un instrument destiné à mesurer l’intensité de sa cinéphilie, sa sensibilité aux mythes. C’est déjà énorme.