Dire qu’on l’a attendu serait un euphémisme. Chaque nouveau film de Jean-François Richet est un événement, alors deux en un (ou plutôt un en deux), on touche presque au miracle. Ce premier épisode, qui suit Mesrine de ses origines (le trauma de l’Algérie) à sa phénoménale attaque du quartier HS de Montréal, en passant par son premier grand amour (Cécile de France), ne devrait être qu’une mise en bouche. Dès les premiers plans pourtant, on sent bien que le cinéaste donne tout : la tension, la beauté, la recherche d’un style mi-franchouillard (la reconstitution parisienne des seventies) mi-hollywoodien du générique font merveille. On se dit alors que le remake d’Assaut n’était qu’une parenthèse sympathique, et qu’on va retrouver le grand Richet opératique de De l’amour mêlé d’une foi retrouvée dans l’énergie de ses premiers films. C’est étrangement ce que le film travaille le moins – l’énergie, l’art de la grande scène -, préférant une structure toute en à-plats où les séquences s’équivalent et se neutralisent, de la plus spectaculaire (l’attaque de la prison) à la plus secondaire (les scènes de famille où le bandit mythique se retrouve chez ses parents). Problème de rythme ? Pas vraiment : le cinéaste ne cherche qu’à dilater une mise en tension recouvrant le film de sa belle gravité, sans discontinuer, en évitant à tout prix la rupture.

Cela pose un problème évident du côté des personnages (qui semblent tous se valoir, ce qui est dommage pour celui de Cécile de France). Il semble que Richet réduise le monde à la seule dimension clownesque de Mesrine (Cassel est prodigieux dans ce registre de la farce), en une parade baroquisante où tournoient les figures grossières et carnavalesques – à l’image de Depardieu, énorme, ou des jouissifs caïds de la prison québécoise. Ce bonheur là est trop rare dans le cinéma français pour ne pas être loué. Mais il coûte au film sa dimension la plus passionnante, l’ambiguïté de Mesrine et son statut intrinsèquement politique. Etrange de la part d’un cinéaste aussi affuté que Richet. Etrange, surtout, quand on sait que Coluche – sur un registre de farce désenchantée assez voisin – jouait exactement de la même manière, c’est-à-dire un peu fuyante, avec ces enjeux. Les deux films veulent à l’évidence résonner avec le contemporain, boucher à coups de mythe bigger than life un grand vide de notre époque. Dommage que, pour cela, ils traduisent un tel attrait pour la nostalgie, un amour de la franchouillardise et du médiocre les délestant de tout éclat. Impossible de s’y tromper malgré tout : à l’académisme un brin neuneu de Coluche, on préfèrera toujours mille fois la mise en scène ample, nette et tranchante de Richet.

A lire la critique du second volet.