Adaptation d’un roman noir de Brigitte Aubert, Mauvais genres diffère peu des séries policières pédagogico-sociologiques, véritables plaies de la fiction télé. L’histoire : à Bruxelles, alors qu’une série de meurtres endeuille le plus vieux métier du monde, Bo Ancelin, jeune travesti issu de milieux bourgeois tombe follement amoureux d’un beau Johnny, serveur le jour, prostitué la nuit qui le rejette avec une cruauté suspecte. Le film de Girod se fixe deux objectifs : d’abord, résoudre l’énigme policière, ensuite, comprendre la relation très conflictuelle entre Bo et Johnny. Comme l’indique son titre lourdaud, le dernier long métrage de Francis Girod est un film de genre, un polar ; il en respecte les règles -personnages types, inscription de l’histoire dans un milieu que la fiction découvre, intrigues qui se croisent, climat tendu. Comment se fait-il alors qu’il ne parvienne pas à se démarquer de son référent télé ? Que le film rappelle davantage Navarro que Série noire d’Alain Corneau ?

Le rapport du film aux personnages est peut-être une clé. Comme dans les fictions télé, les héros de Mauvais genres ont un lourd passé derrière eux. De cette histoire personnelle qui ne passe pas et qui les font tels qu’ils sont, c’est-à-dire toujours un peu trop « cuits » pour les confessions à Mireille Dumas ou les romans de gare, le film ne dira pas grand-chose : quelques répliques aussi allusives que stratégiques pour souffler au spectateur complice que « c’est encore plus compliqué qu’il n’imagine » et un final en flash-back fourre-tout soldent seuls et à bon compte ce qui tient lieu de respect des scénaristes pour le vécu de leur créatures-specimen. Ce qui rend Mauvais genres si désagréable, c’est cet écart entre l’intention affichée d’être proche du vécu des personnages et les solutions trouvées pour rendre compte de leur histoire et de leurs sentiments. A cet égard, une scène est exemplaire : celle où Bo ne trouve pas les mots pour dénoncer son père soupçonné d’attouchements sexuels à son égard. Non seulement la scène reprend le dispositif de la confession télé dans une sur-dramatisation douteuse et insincère -le flic qui tique, le père notable qui fronce les sourcils, le fils qui éclate en sanglots -mais jamais cette question, si cruciale dans l’histoire de Bo, ne sera plus posée dans le film, tout occupé à dénouer les fils d’intrigues des autres personnages, de manière aussi expéditive (voir la résolution grand-guignolesque de l’énigme).

Certes, on sent la volonté de Girod de saisir ses personnages dans leur quotidien -les scènes d’amitié entre Bo et sa copine Maeva, sa complicité avec une veille voisine, etc.-, mais la tentative échoue parce que recouverte par une explication qui ne tarde pas à venir nourrir l’intrigue, la faire avancer. C’est surtout cette mécanique scénaristique plaquée sur du vivant, cette impossibilité de faire des personnages autre chose que des fonctions qui font de Mauvais genres un téléfilm sans surprises.