Beau retour de Peter Weir, cinéaste à la trajectoire claire où talent, signature et vision ont vagabondé sans jamais se perdre vraiment -une première période australienne à redécouvrir (notamment le très beau Pique-nique à Hanging rock), puis l’Amérique avec des succès un peu faciles (Witness, The Truman show), quelques discrètes réussites (Etat second) et une soupe bien vendue (Le Cercle des poètes disparus). Film d’aventures maritimes avec son gros budget, ses effets spéciaux et ses vedettes, Master and commander a tout du film de genre old school, façon hollywoodienne des années 50 : carré, personnel et raffiné. Comme un film de flibustier signé Tourneur. Ici, les guerres napoléoniennes servent de toile de fond à l’affrontement océanique de deux vaisseaux. L’un est anglais, commandé par Russell Crowe, l’autre est français. Le premier doit intercepter le second et se lance à sa poursuite à travers flots. Russell Crowe devra déployer des trésors d’ingéniosité pour venir à bout d’un adversaire théoriquement bien supérieur à lui et entretenir l’amitié qui le lie au médecin de bord (Paul Bettany), peu intéressé par les choses de la guerre, explorateur dans l’âme, mélomane et musicien comme lui.

Tout le film s’articule autour de l’opposition simple entre deux sensations qui teintent le film : le massif (la mer sombre, la carrure des bateaux et de Russell Crowe) et l’effilé (tout le gréement, les câbles reliant les voile, les tracés au compas sur les cartes maritimes, la longue silhouette de Paul Bettany, les cordes des instruments de musique et les fils reliant les deux hommes). De la déclinaison dialectique des différents couples (deux bateaux, deux amis, le massif / l’effilé, la mer / la terre, etc.), Peter Weir tire l’énergie nécessaire à la fusion rêvée des contraires. Fusion qui serait à l’image du film lui-même : à la fois lourd par ses données de départ (cahier des charges, scènes à faire, impératifs du spectacle) et incroyablement éthéré à mesure que le cinéaste y injecte son élégance, sa profondeur et son goût pour les plans-visions -aquatiques (le corps d’un marin disparaissant sous l’eau, les yeux grands ouverts), brumeuses (des coups de canons flashant dans le brouillard) ou apocalyptiques (le pont d’un bateau jonché de cadavres). Noblesse de la mise en scène : toujours la force et la puissance se coulent et se déposent sur un lit de douceur et de réconciliation.