Plus de vingt-cinq ans après sa réalisation, la reprise de Massacre à la tronçonneuse devrait permettre, si ce n’est de réévaluer le film, du moins de jeter un regard plus apaisé et distancé sur une œuvre culte dont la sortie défraya, à l’époque, la chronique et qui demeure un tournant historique dans l’histoire du cinéma d’horreur. Lors de sa sortie, en 1974, le film déclencha un phénomène proche de celui occasionné par The Blair Witch Project : en effet, cette production à tout petit budget (140 000 dollars) engrangea plus de 30 millions de dollars sur le seul territoire américain. Des problèmes avec la censure un peu partout, y compris en France, contribuèrent à accroître un succès considérable qui engendra pas moins de trois sequels (1986, 1990, 1994), influença plusieurs cinéastes et donna lieu à au moins deux parodies (Hollywood Chainsaw Hookers de Fred Olen Ray et Das Deutsche Kettensägen Massaker de Christoph Schlingensief).

Il convient de créditer rétrospectivement Tobe Hooper de l’orientation réaliste que Massacre à la tronçonneuse donna alors à un genre qui, après la faste période de la Hammer et après la retraite de Herschell Gordon Lewis, paraissait à bout de souffle. Le film joue avec habileté de l’arbitraire de la violence et de l’identification au groupe de hippies victimes d’une famille de dégénérés cannibales texans. La progression narrative est classique -les jeunes gens sont massacrés un à un- mais atteint une dimension cauchemardesque dans la description des meurtriers et de leur environnement (une maison aux allures d’installation conceptuelle dont le mobilier est à moitié humain), leur arme, la quantité de sang écoulé et de cris poussés (Marilyn Burns gagnant d’emblée une place de choix au panthéon des screaming queens). Ce décor mis en place, la caméra de Tobe Hooper suit principalement ses personnages, s’octroyant ici ou là quelques échappées expérimentales (les inserts sur l’œil de l’actrice principale au moment du mythique repas de famille !). Si les dispositifs horrifiques sont nouveaux, la mise en scène, elle, ne s’élève jamais au-dessus de son sujet et, de par sa paresse, préfigure déjà le reste d’une carrière laborieuse (à l’exception peut-être de Poltergeist qui, selon la rumeur, devrait toutefois plus à Spielberg qu’à Tobe Hooper) placée sous le signe de la médiocrité. Massacre à la tronçonneuse, a posteriori, fait l’effet d’une réussite de circonstance plus qu’autre chose. Tobe Hooper y a certainement fait reculer les limites de la terreur pure mais n’arrive jamais à la hauteur du travail de réalisateurs qui, tels George Romero ou Wes Craven, avaient déjà investi, en 1974, le même terrain et ont, depuis, témoigné d’un talent autrement plus régulier.