Issu du Winnipeg Film Group, duquel fait aussi partie le cinéaste Guy Maddin, John Paizs applique à la lettre le précepte de ce mouvement cinématographique canadien : « On ne tourne pas des films, on les détourne. » Cette règle à l’esprit, vous serez mieux armés pour affronter le monde délirant de Mars à table.

Une bourgade d’Amérique du Nord nommée Exceptional Vista tente de survivre à la fermeture de son usine à écrous, principal centre d’activité de la région. Un beau jour, le signal du relais de télévision se brouille, et les habitants disparaissent un à un. Heureusement, cet événement coïncide avec l’arrivée en ville du célèbre savant atomiste, Karel Lamonte. Accompagné de la belle tenancière de l’hôtel et de son frère légèrement attardé, il entreprend une ambitieuse enquête pour élucider ce terrible mystère. A partir d’une histoire digne des plus attachantes séries Z d’horreur et de science-fiction, John Paizs s’amuse à nous perdre dans un univers touffu où se mêlent références cinéphiliques et non-sens complet. C’est justement cette liberté de ton qui fait de Mars à table une pochade réjouissante, au final, pas si bête qu’elle n’en a l’air. Sous couvert d’inventer des martiens pour qui la télévision constitue un virus mortel, le cinéaste sous-entend, sans jamais le dire clairement, que nous, humains, sommes immunisés de sa bêtise par des années et des années d’exposition. L’ensemble du film repose sur ce fragile équilibre entre satire sociale et péripéties rocambolesques. Et ces dernières ne manquent pas : autopsie sanguinolente pratiquée dans une cuisine, irruption des extraterrestres conçus avec de bons vieux effets spéciaux, scènes torrides entre le savant et une poupée gonflable qui lui ressemble étrangement… On trouve de tout dans Mars à table, le pire comme le meilleur, du moment que c’est inattendu. Baragouinant des dialogues sans queue ni tête, formés de phrases toutes faites et d’expressions types, les personnages accentuent la zizanie de l’histoire.
Mention spéciale aux acteurs qui se prêtent de bon cœur au jeu (surtout Campbell Scott en improbable scientifique doté de la pipe et du pantalon de velours côtelé de rigueur). A conseiller aux fans d’Ed Wood, et aux aficionados de Twin Peaks qui se délecteront sans nulle doute de la parodie.