Mafia parano trouble en jouant sur deux plans simultanément : d’un côté le produit formaté comme Hollywood en fabrique à la chaîne (le clean, l’ascétique, le fadasse), de l’autre l’exhibition sournoise de ce qui mobilise en profondeur un tel projet (le crasseux, le puant, le régressif). Le premier aspect est le plus raté. En tentant d’assembler les éléments disparates de multiples sous-genres industriels (thriller, mélo, drame, comédie), le film échoue à retrouver la tenue d’un Mafia blues ou d’un Panic. Le sujet est à peu près le même (un homme mi-flic mi-mafieux sombre dans la crise existentielle et déboule chez un psy), mais ne parvient jamais à se hisser au delà de l’agrégat de séquences-clichés.

Beaucoup plus intéressant en revanche est le deuxième aspect, probablement involontaire, du film : montrer les tares et les mobiles qui le gouvernent malgré lui. Première scène : un homme est allongé au pied d’une cuvette de WC qui prend des allures de cocon gerbeux. Un peu plus tard, le couple du film (Liam Neeson-Sandra Bullock) se rencontre à l’occasion d’un lavement filmé de manière ultra-complaisante. La scène d’amour qui suit est surréaliste : sur un tas de purin, Neeson joue avec une petite pelleteuse à déverser de la bouse sur le corps de Sandra Bullock. Les dérives scatologiques de Mafia parano ont ceci de surprenant qu’elles ne s’inscrivent à aucun moment dans la logique du récit (on sait simplement que le producteur du film est le même que celui de Mary à tout prix) mais qu’elles engorgent le film de manière hasardeuse et aléatoire. L’obsession du régressif et du détail caca boudin enrobent Mafia parano sans raison : la photo se complaît dans des couleurs ternes et jaunâtres, chaque dialogue ne peut s’empêcher de dire et redire les mêmes obsessions (le mot « balls » qui revient au moins 50 fois dans les répliques).

Ca ne rend pas le film plus attachant mais ça a au moins le mérite de faire suinter la vulgarité de l’entreprise. Mafia parano dit clairement ce que pas mal d’autres produits hollywoodiens surgelés dissimulent sous un amas de rutilances pailletées en toc : une sorte d’excrément artistique qui tente de ressembler à un produit présentable. Soit la définition exacte du stade infantile par lequel la défection, produite en chaîne, se veut création et offrande au monde. Tant de sincérité vaut au moins pour cela : montrer en quoi l’usine à rêve hollywoodienne n’est pas si éloignée sur le fond des enjeux et des perspectives d’une bonne vieille station d’épuration.