Cette semaine, une réalisatrice française fait un remake inavoué d’un film américain (Camille redouble), pendant qu’une autre, Lisa Azuelos, transvase son propre teen-movie français aux Etats-Unis. Sophie Marceau, Christa Theret et Paris laissent la place à Demi Moore, Miley Cyrus (superstar Disneychannel) et Chicago. Traduction du français à l’américain qu’on a rarement eu l’habitude de voir dans le teen-movie.

La recette du premier LOL, sortie en 2006, avait déjà quelque chose de détonant, d’un peu dérangeant dans son absence totale de complexes et son envie de sucre. Azuelos avait compris quelque chose : que le teen-movie est un genre par essence un peu dégoulinant et sirupeux, donc profondément américain, et qui dégouline parce qu’il signifie et doit signifier beaucoup. Il faut y faire entrer toute une jeunesse prise en un instant T. L’exercice était assez réussi, mignon et évoquait autant Clueless que La Boum.

Dans LOL USA, Azuelos réadapte scène par scène son scénario. L’histoire est toujours celle de Lola, de ses amours, de ses copines et de sa folle complicité avec sa mère. Rien ne change, jusqu’à cette scène ahurissante où Lola veut rejoindre sa mère dans son bain avant que celle-ci ne lui fasse une remarque sur l’épilation de son maillot, trop brésilienne à son goût. Scène qu’on pensait a priori inadaptable aux Etats-Unis, surtout avec une enfant-star ultra-surveillée comme Miley Cyrus. La scène annonce assez bien la couleur du projet initial d’Azuelos : sur fond d’idéologie post-soixante huitarde et de puritanisme américain (c’est dans ce mélange d’idéologie que le film devient possiblement traductible), filmer des corps et des coeurs qui n’ont plus rien à se cacher, où chacun prend l’autre (la copine, la mère) pour un journal intime sur qui se déverser.

Déjà, dans le premier film, la mère était la fille, la fille était la mère, c’est d’ailleurs le sujet du film, qui est autant teen-movie que chick-flick, chaque genre finissant par tout à fait coïncider avec l’autre : quand Lola dit « c’est ma première fois », une scène suit où la mère dit « c’est ma première fois depuis mon divorce ». Leur relation fusionnelle, qui est aussi la fusion des genres, se manifeste par ce pull en cachemire qu’elles s’échangent comme on se passe le relais, et ces montages parallèles, notamment cette scène de joint où maman fume avec ses potes pendant que Lola fait la même chose à côté – chez Azuelos la jeunesse n’est pas un âge, plutôt un territoire d’irresponsabilité et d’exhibitionnisme que tout le monde peut habiter.

C’est d’ailleurs un mot d’ordre qui ouvre et referme le film, fait le lien entre les histoires, celui d’une sorte d’éloge gras de la sincérité : dans la vie, il ne faut pas faire genre, il faut être naturel. Joli slogan neuneu que le film se charge pourtant de tenir jusqu’au bout : LOL USA n’offre en ceci aucun obstacle, aucun vrai problème à résoudre, aucune vraie résistance ou rivalité, uniquement un passage du « faire genre » au « se laisser aller ». Le film n’avance ainsi qu’à l’énergie de ses défloraisons et de sa jovialité sexuelle mise peu à peu en acte : tomber sur le journal intime de sa fille, coucher avec un garçon qu’on trouve laid ou se décider à sortir avec son meilleur ami – verrous et soutifs sautent. Faute de résoudre quoique ce soit, le film s’épluche, se dénude devant nos yeux.

Ce qui change malgré le fait que rien ne change, c’est que la version américaine est davantage travaillée par un contraste très fort entre le puritanisme des valeurs et l’hypersexualisation des actrices américaines aux corps bronzés et irisés qu’Azuelos filme avec gourmandise. La lutte est justement symbolisée par la rivalité entre la culotte que maman achète et le string dentelle. Dans Clueless, les filles étaient coquettes jusqu’à l’outrance mais encore fifilles, ici de vierges jeunes filles s’habillent comme des Pussycat Dolls, et vont au lycée cachées derrière leurs crinières méchées et leur yeux charbonneux. D’un LOL à l’autre, d’un pays à l’autre, les lycéennes ont eu le temps de devenir des femmes. D’ailleurs, on se réconcilie assez bien avec l’entreprise rose bonbon d’Azuelos quand on comprend qu’elle n’a jamais voulu témoigner d’autre chose que d’une irréalité de la jeunesse, de la jeunesse comme irréalité, faite de bisous et câlinous, de mots doux échangés avant l’heure du dîner, d’histoires d’amour et de mauvaises notes.