Livraison à domicile s’impose comme un relent des bons navets franchouillard d’antan (des années 80) avec sa bande de sympathiques bras cassés cherchant fortune au bistrot du coin dont ils ont fait leur quartier général. Il y a bien quelque chose d’attendrissant dans ce genre de projet absolument inoffensif (ne faire de mal à personne à force de croupir dans un comique assoupi et sans idées), mais l’aimable pochade possède aussi le don de se rendre insupportable à force de touiller la même ratatouille (éloges de la débrouille et des petits héros du quotidien, rédemption des losers et banquet final autour des parvenus).

Le scénario du film n’est pas très éloignée du degré zéro : un groupe de pieds nickelés sans le sou décide de monter une petite entreprise de livraison à domicile, armé de bonne volonté et d’une mini flotte de mobylettes. Un jour, on leur propose le contrat de leur vie : convoyer une voiture de luxe depuis Bruxelles jusqu’en Corse avec un délai riquiqui et la recommandation expresse de ne pas faire rouler le véhicule plus de cent mètres. L’expédition se transforme vite en road-movie pépère et dépourvu du moindre entrain. En toute innocence, le film semble confesser sa mollesse de lui-même (le groupe est sans cesse rattrapé par un couple qui fait le même trajet qu’eux en tandem), mais paraît heureux de ses inepties (gags pâteux à l’extrême, ni osés ni benêts, mais seulement vides et agencés comme une série de bouteilles éventées). La question du récit s’y résume à une stratégie fuyarde : désamorcer le moindre problème de narration au prix d’aberrantes ellipses quand tout le problème d’une bonne comédie est justement d’éviter les sentiers trop rectilignes. Ici les fausses bifurcations et les changements de rythme pétaradants trébuchent en permanence dans l’approximatif et se laissent aller à des ruptures de ton calamiteuses (un des personnages meurt en route, il est oublié trois plans plus tard). Visiblement, le réalisateur ne s’intéresse pas à ce qui fait obstacle (toute situation potentiellement amusante est sagement évacuée), mais à ce qui roule tout seul, multipliant les scènes inutiles, par ailleurs filmées avec une invraisemblable constance dans l’inertie. Livraison à domicile est un sommet d’insignifiance.