On ne va pas en remettre une couche sur l’état maladif du film d’horreur français. Non que Livide s’impose comme une cure providentielle. Mais ses symptômes sont d’un autre ordre. Bustillo & Maury avaient su, avec A l’intérieur, susciter l’espoir d’une nouvelle promo de l’horreur hexagonale, bonne élève et franc-tireuse à la fois, sans autre prétention que d’assurer son rôle primordial : faire peur, ou au moins essayer. Là où celui-ci s’insérait habilement dans le carcan du giallo, Livide préfère revenir aux règles foraines de la maison hantée et à son programme de jump scares. L’histoire : un trio de jeunes amis décide, le soir de la fête des morts, de cambrioler le manoir d’une vieille femme dans le coma, qui, selon la légende, y aurait planqué un fabuleux trésor. À peine sa situation posée, Livide va direct à l’os, fait le minimum syndical sur la caractérisation des personnages, parvient même à les rendre crédibles, malgré trois acteurs encore verts. L’apparition de Catherine Jacob, en matrone à face droopiesque, confirme, après le choix d’une Béatrice Dalle en égérie giallo, un certain talent pour équilibrer stéréotypes du genre et sens du casting pour les vivifier. Après la banlieue anonyme, le choix d’un folklore inédit (la Bretagne) dépasse le simple opportunisme de l’originalité. Emporté par cette déterritorialisation vers l’Ouest, le film joue habilement des codes de l’imagerie celte (rades de marins, lande brumeuse, feu follets) pour insuffler une ambiance fantasmagorique étonnement crédible.

Fort de cette admirable mise en bouche, Livide aurait pu achever de confirmer le duo en ambassadeur d’une nouvelle ère de terreur pop. Il apparait, au contraire, comme une cinglante régression. Une fois parvenu au seuil de sa maison maléfique (une demi-heure seulement), le film semble déjà à bout de souffle. Passée les portes du manoir, sa noble littéralité s’évanouit devant son exact contraire. Comme pris d’un délire cinéphile superflu (la maison comme musée de l’horreur), Livide bascule dans un bête régime de recyclage, où chaque plan se veut toujours plus sursignifiant que l’autre, dans un esprit d’allégeance aux classiques indémodables. La bonne idée reste d’avoir calquée la progression du récit sur l’architecture de l’espace, chaque pièce incarnant à son tour un pan thématique de la culture horrifique. Malheureusement, à vouloir convoquer autant de genres (vampire ? zombie ? torture porn ?) le film s’égare dans l’exercice-maelstrom et perd toute identité. A force d’exhaustivité et d’homogénéisation de cultures trop disparates, mal suturées entre elles, Livide finit par ne ressembler plus, dans un final éloquent de grotesque, qu’à un bouillon de cultures mal dégluti.

Triste pirouette tant le film disposait d’atouts, à l’image de son héroïne aux yeux vairons (Chloé Coulloud, talent à surveiller malgré tout). Paradoxalement, celle-ci s’avère une parfaite métaphore du film : d’une belle ambivalence (l’hésitation initiale du film entre teen et scary movie), mais trop fragiles d’épaule tous les deux pour faire face à la culture monstre qu’ils se sont entêté à exhumer.