Deux soeurs. La plus jeune, qui vient de plaquer son énième fiancé détraqué sexuel, rêve d’un nouveau départ, tout comme son aînée, sur le point de tourner la page de son ex-mari pédophile avec un brave type époustouflant de normalité. Difficile de ne pas voir en Todd Solondz l’archétype du cinéaste américain indépendant des années 90, dont il épouse mieux que quiconque la trajectoire d’auteur périssable. Plus cruelle que le bestiaire pédophile de nouveau convoqué dans Life during wartime, son inévitable comparaison avec le film dont il est supposé être la suite, Happiness, LE hit de l’ex-enfant terrible, en 1997. Solondz a beau embrumer les souvenirs du spectateur en changeant totalement de casting, il ne mystifiera pas grand monde : l’oeuvre originelle s’en trouve littéralement rabougrie, délestée d’une bonne moitié de ses personnages, ouvertement rabaissée à une suite discount et délabrée.

La côte actuelle du cinéaste a son importance puisque dans le cas de Solondz, sa ringardisation aux yeux du sérail traduit moins un délit de sale gueule qu’une lassitude justifiée par une panne d’inspiration de plus en plus évidente. A croire qu’il lui a malheureusement suffi de deux films – Bienvenue dans l’âge ingrat et Happiness – pour définir son style et parachever son oeuvre dans le même temps, condamnant tout ce qui suit à de simples resucées justifiées par quelques vagues prétextes conceptuels. Exemple-type : Palindrome, patchwork de l’univers Solondzien que l’on interprétait toujours de la même façon quel que soit son sens de lecture. Objet maîtrisé au doigt et à l’oeil, Life during wartime partage ce vide dénué d’impuissance. Tout est là, à sa place, désespérément interchangeable. D’ailleurs, le film peut autant se voir comme un ersatz desséché que comme un best off, anodin dans l’ensemble, jouissif dans le détail. Solondz semble parfois se caricaturer jusqu’à l’overdose, il est néanmoins trop rare (six films en seize ans) pour atteindre à la saturation. Son sens impayable du grotesque (sommet, le gamin de treize ans, victime muée en petit prédateur fayot) et son sadisme presque aristocratique (pas une image chic ici) le placeront toujours à cent coudées au-dessus de la mêlée d’enquiquineurs de bourgeois de tous bords, d’Haneke à Gaspar Noé. Nuance fondamentale et ô combien déprimante : Solondz n’a rien perdu de son talent, mais il n’en a pas gagné le moindre gramme en plus de dix ans.