Patrick Orbéra (José Garcia), star oubliée du football, est appelé à Brest pour redresser un petit club amateur, et fait appel à d’anciennes gloires qui l’aideront à sauver le club autant que le village, menacé par la fermeture de l’usine de sardines. Il fallait peut-être ça, un film sur le football, pour que le cinéma français s’autorise un long périple récapitulatif d’un bout à l’autre de ses contrées. Sans cesse pris entre ce qu’il est (putes, cocaïne, argent-roi) et ce qu’il devrait être (une grosse tranche de camaraderie, un hug social), le football devient le parfait prétexte au voyage, qui part de la comédie macho (Les Infidèles, L’Amour dure trois ans) pour arriver à la comédie popu qui va titiller l’altérité, ici bretonne (Bienvenue chez les Ch’tis, dernièrement Bowling).

Pourtant, du glissement d’un monde à l’autre, de la paillette à la sardine, de Canal + à TF1, pas de changement de paradigme, ni de morale : on embarque l’escort-girl en Bretagne, comme s’il ne fallait à aucun prix égarer un seul des termes du cinéma français. La morale, c’est un mot avec lequel le cinéma français, même s’il ne s’est jamais autant donné l’air de vouloir produire des fables de revanche sociale (il faut voir le très sérieux Bowling avec Frot et Seigner dont Les Seigneurs est le copier / coller), n’a jamais été aussi inconséquent. Dans Les Seigneurs comme ailleurs, il s’agit, comme toujours de préférer à la fable l’enchaînement efficace de la connivence sociétale : les riches, les beaufs, les noirs, les bretons, qui tous se rencontrent dans ce lieu chéri par le cinéma français qu’est le « trou perdu ». Théâtre du Trou Perdu qui n’est pas tant la figuration d’une mini-France qu’une scène de stand-up où installer ses comiques : les riches, les beaufs, les noirs, les bretons, c’est le miel thématique que partagent les comiques français avec le cinéma popu.

D’ailleurs, Les Seigneurs ne lorgne pas tant du côté de la comédie américaine que du spectacle comique, évidemment signalé par le casting de Dahan, composé exclusivement de comiques télé à qui on demande d’exceller dans leurs registres respectifs. Le film n’est ainsi ni plus ni moins qu’un stand-up collectif, une série de tares et de caractères qui se déploient sur fond de chutes de scénario français collées entre elles, un gloubiboulga thématique de journal télévisé. Côté mise en scène, Lle film réconcilie le popu et le chic sous la bannière plus englobante du cinéma-télévision : montage illisible, scènes expédiées, intrigue perdue de vue – c’est d’une nullité effarante. Dahan se croit d’ailleurs tellement à la télé qu’au moment de filmer la finale de la Coupe de France il intègre les bannières de score et l’habillage habituel des retransmissions – glissement en forme de lapsus technique, comme si Dahan, cinq ans après La Môme, devait signaler son nouveau job : incarner le Serge Khalfon du cinéma français.