Il y a vraiment de quoi être furieux quand on vient de visionner ce documentaire mis en chantier depuis au moins quatre ans. On ne peut bien sûr pas demander au réalisateur d’être à la hauteur du sujet traîté et de posséder le même génie dérangeant que celui du réalisateur de Los Olvidados ou de Tristana. Ceci dit, comment accepter une telle distorsion entre l’ambition affichée du documentaire et la forme adoptée. Aucune originalité, aucun style ! Le réalisateur et son équipe se sont contentés de réunir des témoins qui y vont chacun de leur anecdote, censée éclairer une facette de « Don Luis ». Les témoignages sont regroupés dans différents chapitres rappelant les paradoxes de Bunuel (« Surréaliste et moraliste… »). Les propos des proches sont entrecoupés d’extraits de films généralement mal choisis et qui nous laissent plutôt le sentiment d’être directement tirés de mauvais téléfilms… Et c’est bien là le plus grave : la platitude, l’aspect conventionnel du documentaire ne transcendent pas le travail créateur de Bunuel. On est peiné de voir et d’entendre tous ces témoins réunis qui, avec bonne volonté, essaient d’être fidèles à l’admiration qu’ils vouent au cinéaste. Avec beaucoup d’enjouement et parfois de gravité, Piccoli, Carrière, Piéplu, Silberman (le producteur de Bunuel), Bertheau (l’inoubliable évêque-jardinier du Charme discret de la bourgeoise), Francisco Rabal (Nazarin, Belle de jour…) tentent au mieux d’honorer la mémoire du maître. Mais l’enregistrement de témoignages ne suffit pas. L’absence d’un réel talent de monteur, d’auteur se fait cruellement ressentir.

L’énervement passé, reste la folle envie de se replonger dans les mémoires de Bunuel (Mon dernier soupir), ainsi que dans ses propres films dont certains vont à nouveau sortir sur les écrans : Le Fantôme de la liberté, Belle de jour, Le Charme discret de la bourgeoisie