Après Charlie et la chocolaterie, confirmation en beauté de l’entrée de Tim Burton dans la zone des reléguables du cinéma US mainstream, comme les frères Coen et quelques vieilles branches porteuses jadis de tous les espoirs d’Hollywood, le cinéaste progresse vers un cynisme des plus inquiétants. Si l’aigreur et le ronronnement pantouflard se donnaient la main dans Charlie, ces rachitiques Noces funèbres y ajoutent une dimension hyper-mercantile qui tient autant dans la manière d’utiliser le nom de l’auteur comme franchise (dans le titre) que dans l’auto-exploitation qui est faite ici d’un film en particulier (L’Etrange Noël de monsieur Jack) et de l’oeuvre en général (les flonflons gothico-romantiques devenus marque de fabrique).

Le résultat est imbitable pour deux raisons : par sa relative perfection technique, bien sûr, qui tourne désormais à vide et sans pilote aux commandes. Par la place imprécise qu’occupe le cinéaste dans ce déluge de vacuité ensuite. Quel rôle pour Burton ici ? Superconsultant, coach, imposteur, chef d’entreprise. Dans quelle mesure s’est-il investi dans le film ? Au vu du résultat, on s’en moque en fait absolument. Déjà que L’Etrange Noël mériterait probablement d’être légèrement dévalué, ces Noces funèbres s’enfoncent dans les tréfonds de l’imaginaire burtonien, réduit à un désert et à une poésie morbide d’une pauvreté crasse : minable romantisme de lycéen de première L tourmenté, personnages secondaires grotesques et vides de toute fantaisie (l’asticot qui sort régulièrement de la cavité oculaire de la mariée), saynètes qui se succèdent comme autant de spots jetables, on se croirait presque dans les productions en images de synthèse Dreamworks (l’atroce Gang de requins en tête de gondole). L’écriture laborieuse du film, sa lenteur et sa platitude ajoutent à la torture. Mais le film ne dure heureusement qu’une heure quinze.

Film-breloque, Les Noces funèbres joue avec une telle complaisance de l’univers marketé de Burton qu’il s’impose, dès les premières séquences, comme la négation de tout ce qui fit, il y a maintenant quelque temps, l’humanité de ce cinéma-là. L’automatisation de tout ce qui le constitue, visible notamment dans le traitement du personnage emblématique de Johnny Depp (un mime robotique dans Charlie, une simple voix ici), fait se poser une question légitime : horizon artistique du baroque de l’oeuvre ou simple renversement des valeurs de l’auteur ? Probablement un peu des deux, et la confirmation que quoi qu’il advienne désormais, Burton, artisan et petit maître un temps doué, ne sera jamais que le double patraque des multiples maîtres que son œuvre a convoqués.