Avant le mini raz-de-marée de ces derniers mois (Moonrak transistor et surtout l’éblouissant Blissfully yours), un film thaïlandais avait défrayé la chronique longtemps avant tout le monde, en étant le premier long métrage sélectionné à Cannes venu de ce pays dont on n’a peu de nouvelles de cinéma. C’était en 2001, et, apparemment, Les Larmes du Tigre noir s’étaient répandues sur la Croisette au point d’être oubliées lors du voyage retour à Paris (de même l’exquise et divine Vierge mise à nue par ses prétendants de Hong Sang-soo, portée disparue depuis Cannes 2000 -scandale absolu qui sera heureusement réparé en février). A l’époque, ce premier film avait suscité davantage que l’habituel intérêt poli porté aux curiosités exotiques : Les Larmes du Tigre noir est en effet une parodie déjantée de westerns et de romans-photos populaires.

Une belle fille de gouverneur est obligée de se marier avec un beau capitaine alors qu’elle aime depuis toujours un beau bandit, le « tigre noir » Voilà pour l’histoire. Le reste n’est que carnaval : cow-boys gominés, chemises lisses comme un lac d’huile et foulards roses bonbons, mannequins Gaultier remuant guère plus qu’un cliché de Pierre & Gilles, tourtereaux figés dans les postures ultra kitsch d’un mélo préhistorique. Le tout baigne dans une ambiance de vieux technicolor décadent, une surcharge chromatique délirante où se mêlent maquillages grotesques, pellicule comme vieillie (pour les flashs back), défilement de paysages projetés en noir et blanc derrière les pare brises des voitures, décors naïfs en carton pâte, etc. Passé un bref effet de surprise et une bondissante fusillade filmée à la manière d’un Leone sous LSD, l’hystérie molle du film devient plan-plan et le principe de saturation qui fonde l’entreprise entame son lent travail d’étouffement : d’hommage un rien carnassier à la culture populaire thaï (dévorer une à une les icônes d’un cinéma qui connut son heure de gloire et dont il ne reste plus que de vieilles photos jaunies), Les Larmes du Tigre noir devient une vaine et creuse affaire mécanique. Le réalisateur court trop vite après les couleurs, s’épuise, s’essouffle à vouloir les attraper toutes, et fabrique un arc-en-ciel moribond et ranci.