Entre Le Ciel est à Nous, premier film de Graham Guit, et Les Kidnappeurs, il n’y a qu’une différence : le fric. Car si le réalisateur est passé du 16 mm au 35 Scope et est désormais distribué par la Warner (on croit rêver !), son cinéma est resté le même: celui d’un grand adolescent frimeur nourri de sous-cultures et dont l’ambition semble se limiter à devenir le Tarantino français, en plus drôle. C’est donc le récit classique du braquage (ou plutôt ici du cambriolage) qui dérape. Plus des personnages fortement typés : Armand (Melvil Poupaud), qui vient de sortir de prison et qui est en quelque sorte le cerveau du groupe de malfaiteurs ; Ulysse (Isaac Sharry), gaffeur très nerveux ; Claire (Elodie Bouchez), amoureuse cupide d’Armand au sang-froid impressionnant ; et enfin Zéro (Romain Duris), frère de Claire légèrement attardé et chauffeur attitré de la bande. Plus une musique originale « revival-tendance-soul ». Plus « les répliques qui font mouche », du type « Bienvenue dans la Jungle à nouveau » (lancée par Claire à Armand lorsque celui-ci vient de sortir de prison). Plus les indispensables gros plans et mouvements de caméra censés faire modernes. Plus, enfin, la dose de violence inhérente à ce type de projet. Il est vrai qu’on peut prendre un certain plaisir aux Kidnappeurs, ou en tout cas ne pas trop s’ennuyer lors de sa projection, si l’on accepte d’emblée ce jeu avec les archétypes du polar contemporain. Le problème, c’est que le film se contente de ce statut d’ersatz parodique dirigé par un potache auto-satisfait et ne débouche jamais sur une dimension plus intéressante comme savent le faire les films de genre réussis.
D’Eastwood, Siegel ou Tarantino, Graham Guit n’a retenu que les tics maniéristes (voir notamment le générique) qui ne trouvent ici aucune justification, contrairement à ses prédécesseurs. On regrette également la médiocre prestation du quatuor d’acteurs principaux (excepté peut-être Romain Duris), écrasés par les apparitions plus sommaires mais irrésistibles d’Elie Kakou et, surtout, d’Hélène Fillières dans le rôle de Nuage, belle figure de camée langoureuse et impitoyable.