Présenté en compétition au Festival de Deauville, Les Initiés sort simultanément dans les salles françaises. Cette production indépendante de la compagnie Team Todd (dont est également issu le second film de Christopher Nolan, Memento, sortie prévue le 11 octobre) marque les débuts dans l’écriture et la mise en scène de Ben Younger, un réalisateur d’à peine vingt-sept ans. Le titre français, aux allures de décalque scorsesien, donne peu d’indications sur son contenu, contrairement au Boiler Room original qui, aux Etats-Unis, désigne des sociétés de courtage en marge de la légalité au sein desquelles sont vendus et échangés par téléphone des titres boursiers fictifs. L’acheteur est dupé et le vendeur touche de gros pourcentages sur la négociation. Ce système d’arnaque fort répandu s’est développé à une vitesse phénoménale aux Etats-Unis (plus de 6 000 escroqueries dénombrées en 1999) grâce à l’avidité d’une population fascinée par l’appât du gain et par l’inébranlable vivacité du mythe de la spéculation boursière.

Seth Davis, le héros des Initiés, est un jeune homme de dix-neuf ans qui a abandonné ses études pour gérer un tripot clandestin. Ses activités sont juteuses mais il ne peut résister à la proposition d’un ancien ami qui lui propose de rejoindre la compagnie financière pour laquelle il travaille. Il découvre un univers strictement réglementé au sein duquel il progresse rapidement grâce à son bagout naturel. Seth a le profil type du golden boy ; son avenir professionnel semble tracé mais il s’aperçoit un peu trop vite que ses employeurs ne sont pas aussi honnêtes qu’il était disposé à le croire. La première partie du film expose assez brillamment l’univers du courtage par téléphone, en en démontant les mécanismes et les effets à travers une succession de scènes trépidantes où la négociation apparaît comme spectacle, comme prise de pouvoir par la parole. L’auteur adopte le point de vue de son personnage principal ; son ébahissement, ses réserves et son enthousiasme sont tangibles. Giovanni Ribisi construit un apprenti trader vraisemblable, humanisé par le conflit qui l’oppose à son père et sa volonté de gagner en respectabilité. Cet argument dramatique annexe enrichit le sujet et donne lieu à quelques affrontements intenses entre Ribisi, comédien étonnant à surveiller de près, et le vétéran Ron Rifkin.

Une fois les cartes distribuées, la partie qui se joue perd toutefois en densité. La liaison de Seth avec sa secrétaire n’échappe pas aux clichés, pas plus que l’intervention du FBI et la mise sur la sellette du jeune homme. On s’explique mal pourquoi Ben Younger choisit soudain de développer un suspense stéréotypé qui le contraint à abandonner le point de vue unique du protagoniste au profit de focalisations nouvelles qui remettent en cause la logique de sa narration. Si la dernière demi-heure du film déçoit, elle n’en oblitère pas pour autant les qualités d’ensemble : écriture nerveuse, sens du rythme et de l’observation, force du sujet. C’est là ce qui singularise Les Initiés et en fait un appendice honorable aux deux films qu’il cite et sur les traces desquels il s’est aventuré : Wall Street et Glengarry Glen Ross.