Dire que l’on n’attendait plus rien de Manuel Poirier relève presque de l’euphémisme tant son dernier film -le catastrophique essai de polar Te quiero et son esthétique toc- nous avait navrés. Avec Les Femmes…, Poirier aborde un sujet dans lequel il semble nettement plus à l’aise -la famille, ses joies et ses contraintes. On se souviendra à ce propos de son délicat documentaire De la lumière quand même (1999) dans lequel le cinéaste donnait la parole aux enfants victimes d’histoires familiales traumatiques et accueillis pour un temps dans des foyers d’Etat. Déjà, Manuel Poirier savait créer une connivence avec ses jeunes sujets, leur permettant de se livrer à la caméra avec une sincérité et une maturité troublante. On retrouve le souci d’une même démarche dans le nouveau long métrage du cinéaste qui s’intéresse cette fois-ci aux états d’âme de Tom, marié et père de famille, tiraillé entre son envie de séduire et son amour profond pour sa petite tribu. Alors que le film commence comme une énième variation sur les dégâts du fameux démon de midi, le ton imposé à l’ensemble par Poirier donne une dimension nettement plus ambitieuse au projet.

Avec Les Femmes…, Manuel Poirier réussit à trouver le juste équilibre entre de mélancoliques moments de latence lors des scènes d’errance du héros tiraillé par la culpabilité et l’emballement presque burlesque de l’action lorsqu’il filme le quotidien de la vie en famille. Ces ruptures de tempo collent parfaitement au propos du cinéaste qui se garde de tout jugement pour nous livrer la complexité d’une situation avec tous ses paradoxes. Surtout, dans sa manière de dépeindre le voisinage de Tom (dont on retiendra surtout le père de famille bonhomme composé par Serge Rabioukine et le gendarme largué incarné par le surprenant Jean-Jacques Vanier), le film nous offre une radiographie de cette France moyenne dont on entend tellement parler sans jamais la voir vraiment représentée. C’est d’ailleurs le principal mérite du film de Poirier, parvenir à saisir dans sa réalité quelque chose de la vie en pavillons Bouygues sans jamais tomber dans la caricature facile. On regrette alors d’autant plus que Manuel Poirier abandonne vers la fin la position inconfortable de son héros -soudainement délivré de ses envies d’incartades- pour s’abandonner à une apologie aussi naïve qu’utopiste de la famille. Un changement de point de vue qui choque face à la pertinence générale du film.