Inspiré d’une histoire vraie, celle de Manuel Lamana et de Nicolas Sanchez-Albornoz, Les Années volées évoque la fuite de deux amis du camp de prisonniers où ils sont incarcérés. Jaime et Tomas, les homologues cinématographiques de Lamana et Sanchez-Albornoz, ont en effet été condamnés à huit ans de prison pour avoir peint des slogans anti franquistes sur les murs de leur université. Leur histoire s’inscrit dans l’Espagne des années cinquante, celle du début de la dictature de Franco. Celle aussi de la répression des opposants au régime franquiste, et surtout de la purge des intellectuels dissidents. A mille lieues d’une réflexion sur les positions doctrinales et les difficultés des intellectuels de gauche à cette époque, Fernando Colomo semble plus intéressé par l’aspect « spectaculaire » de l’histoire. Il vient donc greffer sur la reconstitution historique des faits, c’est-à-dire la fuite pour rejoindre la frontière française et demander l’asile politique, une invention scénaristique artificielle destinée à exploiter un tel potentiel.

Deux jolies Américaines vont donc aider Jaime et Tomas dans leur périple, et en prime animer leur désir amoureux. La course vers la liberté se double ainsi d’un marivaudage entre les quatre compères, afin de pimenter de romanesque cette histoire peut-être un peu trop virile. Fernando Colomo filme leur cavalcade à la sauce Hollywood (jusqu’à la caractéristique musique tonitruante et lyrique), privilégiant les temps forts, le suspense, et la romance. En contrepartie, les personnages sont réduits à la fonction de pantins signifiants. Ceux-ci sont ainsi confinés dans un rôle univoque, sans écart ou évolution possible, et dotés d’une psychologie simpliste : le poète maladroit et rêveur, le bellâtre homme d’action, l’allumeuse, et l’intello pimbêche. On en vient même à plusieurs reprises à douter de la véracité des faits tellement tout cela semble uniquement destiné au spectacle. Pour ceux que l’invraisemblance des faits historiques gêne peu, il reste que Les Années volées est doté d’une mise en scène rythmée, et parvient comme tout bon film d’action à ne pas ennuyer le spectateur. Pour les autres, hélas…