Qu’attendre d’une nouvelle adaptation Marvel après les essais d’auteurisation plus ou moins transformés de Sam Raimi, Bryan Singer ou Ang Lee ? Sans doute un divertissement au calibrage léger comme l’air, qui assume sans complexe sa seule vocation d’efficacité. Objectif on ne peut plus atteint avec Les 4 fantastiques, qui remporte haut la main la palme de la simplicité. Si aucun soupçon de génie ne traverse une seule image, le bonheur de glisser sur cette commande artisanale est total, rappelant la main sure et tranquille de faiseurs à l’ancienne genre le Richard Donner de Superman. C’est en presque expérimental de cohérence et de linéarité : pas un seul plan n’échappe à la droiture de l’intrigue, pas un acteur ne cabotine sur l’autre, pas une séquence ne souffre d’une virtuosité déplacée. Devant un tel no man’s land d’ego, on pourrait craindre tout et son contraire : fadeur, odeur rance d’un produit qui tourne le dos à toute trace de modernité. Mais rien de tout cela ici, le désinfectant professionnel est si puissant que Les 4 fantastiques échappent à tout rapport au temps, jouant de son statut parfaitement identifié.

Une raison, la toute puissance du scénario, seul vrai chef d’orchestre du film qui par sa structure, évoque le pilote d’une série télé : exposition des personnages, successions de situations qui appellent au recyclage et aux gimmicks, marivaudage permanent des héros. L’impression n’est pas nouvelle pour une franchise de super-héros, préparée à se reproduire en cas de succès, sauf qu’ici, la mise en scène, par sa discrétion absolue ne la recouvre pas un seul instant. Mieux, elle la renforce considérablement, grâce au casting, essentiellement composé du personnel du petit écran, starlettes en devenir (Jessica Alba de Dark angel, Julian McMahon le chirurgien de Nip-tuk) ou visages familiers. Une nouvelle fois, suprématie du scénario : les quatre fantastiques se répartissent l’action et la gloire, le film mouvant au rythme d’un zapping de personnages, mouvements cycliques et saccadés à la fois. C’est d’ailleurs lorsque l’espace se confine au maximum que le film se déploie le mieux, le sommet restant la découverte des supers pouvoirs des héros lors de leur quarantaine, après un accident radioactif dans l’espace. Chaque chambre d’hôpital, chaque champ / contre-champ se charge d’un condensé d’informations qui explose en une suite de gerbes d’action et d’humour, véritable petite merveille rythmique.

Plaisir de la convention, donc, pour un film qui se complait à épurer chaque cliché au fur et à mesure du récit. Avec un sommet de jouissance purement illustrative, la sempiternelle séquence en musique, où les quatre héros, enfermés dans leur labo d’analyses, usent de leurs pouvoirs pour un usage strictement ménager : canular, poser son café dans la pièce d’à coté sans se lever… D’où la légèreté particulière du film, paradoxalement solide et jamais remise en cause. Pas par l’action, qui dès la première cascade renonce à toute maniérisme épais, pas la psychologie des personnages jamais vraiment installée, la seule tentative sur l’étude de la monstruosité, via le personnage de l’homme-caillou (qui peine à trouver son bonheur dans son nouveau corps) effleure le glauque (ses doigts trop gros pour saisir la bague que sa femme dépose sur le sol après l’avoir quitté), mais reste cadenassé par l’intrigue. Ne pas oublier tout de même : le responsable de cette machine imparable s’appelle Tim Story. Hollywood peut le nommer employé de l’année.