Réalisé avec un budget ridicule, trois acteurs non-professionnels et une équipe technique des plus réduites, Le Projet Blair Witch est une des plus grandes réussites de ces dernières années en matière de série B d’horreur. En cette période où les Scream, The Faculty et autres Idle Hands tournent le genre en dérision pour finalement se mordre la queue, ce long métrage de D. Myrick et E. Sanchez renoue avec les principes phares du film d’horreur sans pour autant être nostalgique ou vieille école.
A la base de cette réussite : un concept scénaristique classique -à savoir trois jeunes gens perdus dans une forêt inquiétante- mêlé à un processus de réalisation inhabituel au genre… Cette fiction nous est effectivement présentée comme des documentaires réalisés, à tour de rôle, par les trois personnages du film. Ils nous offrent à voir en fait un bout à bout de rushes tourné jour après jour en forêt, alors qu’ils sont à la recherche d’indices à propos d’une légende locale. Le film débute donc comme un reportage bidon réalisé par des ados y croyant à peine, et se transforme progressivement en un interminable et cauchemardesque voyage. Après l’introduction niaise -mise en valeur par la suite en raison du basculement vers l’horreur-, nous assistons à une sorte de « journal de bord vidéo » des protagonistes dont le réalisme frappant est en grande partie dû à l’excellent jeu des trois comédiens. Ainsi, nous voici donc simplement spectateurs de séquences filmées par les personnages caméras au poing. Les réalisateurs profitent du procédé pour pousser le suspens très loin grâce au principe ancestral du suggéré, du non montré -plus les scènes sont fortes, moins nous pouvons en voir, car les personnages, agressés, sont handicapés pour filmer et nous montrer des images. Ce qui nous donne au final un film suffocant qui démontre, au même titre que certains classiques de l’épouvante, que la tension la plus extrême peut naître sans aucun artifice d’image ou de mise en scène…

Gageons que certains profiterons justement de ce choix de procédé pour attaquer le film. Mais malgré les apparences, Le Projet Blair Witch est bien une oeuvre de fiction. Et celle-ci n’aurait jamais pu donner un tel résultat, sans comporter en son sein ces petits défauts d’incohérence technique qui s’effacent très vite derrière une magnifique narration qui prime avant toute autre chose.