Un fils de colon emmène sa femme en Afrique pour leur lune de miel. A peine arrivés, le chauffeur de taxi qui les emmène renverse un enfant : panique générale, émeute, les deux Français se réfugient dans une petite maison habitée par une femme pendant qu’un groupe de fanatiques leur fait vivre une longue nuit d’angoisse. Le « jardin de papa » est à prendre à double sens : terre laissée en friche par les anciens colons, mais aussi terre de dictature à la veille d’élections cruciales pour l’avenir du pays. Vaste ambition du film que de traiter, en une sorte d’état des lieux fabulé, refoulé colonial (le couple de français) et carnaval de la scène politique africaine, à travers notamment la milice de Cobra, vision cauchemardesque des factions militantes.

Cette ambition, louable, est malheureusement très vite infirmée par les limites du film. Tourné en numérique, Le Jardin de papa est d’une terrible indigence plastique, le niveau de la mise en scène renvoyant à une préhistoire du cinéma qu’il serait injuste de juger à l’aune seule de ses faibles moyens techniques : le cinéma d’Afrique subsaharienne est riche d’une histoire suffisamment forte, d’une tradition cinématographique suffisamment inventive pour ne pas se voir résumé, aujourd’hui, à pareille pauvreté esthétique (en témoigne la multiplicité des pistes et ouvertures proposées par le numérique en Afrique ces dernières années, dans la fiction comme dans le documentaire). Le drame, ici, vient surtout de l’interprétation, qui amène néanmoins à excuser nombre de scènes qui ratent complètement leur effet pour cause de défaillance de jeu.

Reste à sauver l’atmosphère parfois oppressante du film, dans les parties d’assaut nocturne de la maison par exemple. L’ambiance, malsaine à souhait, renvoie alors dos à dos chacun des personnages, faisant remonter les pulsions refoulées de chacun. Mais il est sûr qu’un tel film, à côté de beaucoup d’autres qui ne sortiront probablement jamais en France (voir Les Habits neufs du gouverneur pour l’exemple d’une vraie réussite en numérique), reste bien peu représentatif des enjeux contemporains du cinéma d’Afrique subsaharienne, dont il n’est qu’un reflet des plus rance et des plus académique.