Quoi de neuf au rayon mal famé du Statham movie, sous-genre de la série B dopée aux anabolisants, le dernier à se prendre au sérieux ? Au vu de son récent passage par la case Expendables, on s’attendait à voir Statham gagner en maturité et tordre le cou au pisse-froid balèze qu’il incarne depuis maintenant plus de dix ans. Seulement, alors que les pères Willis, Schwarzie – et Stallone, à ses heures – sont tous passés par le contre-emploi ou la gaudriole vaguement parodique, le fils prodigue refuse de grandir. Il trempe dans les mêmes thrillers jetables, endosse le même costume de pistolero ultraviril sans la moindre touche d’autodérision. Si certains scripts aussi exubérants que théoriquement audacieux le font effleurer une veine cartoonesque plutôt savoureuse (dans Hyper tension, condensé vertigineux des motifs du genre, il courait les rues de Los Angeles en chemise de nuit et en érection), Le Flingueur lui interdit tout grain de folie, et le condamne à resservir sa sempiternelle soupe de testostérone.

La meilleure soupe, pourtant, est censée se faire dans les vieux pots, et de ce côté-là, Le Flingueur est plutôt bien armé. C’est un remake du polar éponyme de Michael Winner avec Charles Bronson, dont l’ingénieux pitch est resté intact : un porte-flingue surdoué est contraint de liquider son mentor, qui vient de trahir leur organisation. Ironie du sort, il se retrouve à enseigner l’art de la gâchette au fils du défunt, lequel attribue la mort de son père à un racket fortuit. Malgré cette matrice classique, la relecture du faiseur Simon West s’engonce dans un formatage nonchalant, presque fumiste, traitant l’action comme un gadget mécanique et autorégulé, sans aucune intelligence dramatique : chorégraphiées au millimètre, les cabrioles s’exécutent avec une maîtrise toujours impeccable, ignorant toute possibilité d’échec, et refusant ainsi le principe même de suspense. Les mandales fusent dans une urgence constante et rarement justifiée, comme s’il fallait à tout prix dépoussiérer le film original, trop pantouflard, et le libérer d’un versant contemplatif décati ; esquissant à l’aveuglette ce qui serait une sorte de Bronson 2011, Statham cogne donc plus vite, plus fort et en 5.1, mais sans le flegme au parfum d’aftershave dont le justicier moustachu avait le secret. La frime en cabriolet est désormais beaucoup plus bankable.

De son modèle, Le Flingueur ne retient pas grand-chose, si ce n’est une propension à titiller le politiquement correct : dans une singerie maladroite des coups de provoc’ façon Winner-Bronson ou Siegel-Eastwood, le scénario y va de ses petits temps forts sulfureux (femmes violentées, individualisme outré, morale écrasée sur le bord du trottoir) sans oser mettre le feu aux poudres une bonne fois pour toutes. C’est un comble, mais pas une surprise de la part de ce cinéma d’action désincarné, toujours fabriqué avec aussi peu d’amour : persuadé que ses gesticulations hypercatives et ses étalages pubards sont à la pointe de la modernité, le remake s’avère finalement bien plus has-been que l’original.