Le Fils adoptif séduit dès sa première image : celle… d’un tapis ; mais un tapis aux couleurs magnifiques sur lequel va s’effectuer un intrigant rituel d’adoption. Un nouveau-né, Bechkempir, va ainsi être protégé du « mauvais œil » par cinq vieilles femmes avant d’être confié à une famille. Ellipse : Bechkempir est devenu adolescent et les couleurs ont laissé place au noir et blanc. Tout le parcours du héros et du film va alors être lié à cette question des origines, à leur mystère, aux troubles qu’elles suscitent -par rapport à la découverte de la sexualité notamment. Le film aborde d’ailleurs le thème de front et sans fausse pudeur : dans une très belle séquence, Bechkempir et ses amis, après avoir observé à travers l’embrasure d’une porte une femme énorme à moitié nue, construisent sur la plage une sorte de sculpture de sable à son effigie creusée au niveau du vagin et sur laquelle ils décident de simuler tour à tour l’acte sexuel. Plus tard, le jeune protagoniste va finir par apprendre qu’il a été recueilli à sa naissance par des parents qui ne sont pas les siens. S’ensuivent des scènes poétiques et envoûtantes de fuite, de perdition dans l’incroyable nature du Kirghizistan, de mort aussi…
Parfois, un objet, un oiseau ou un paysage font ressurgir la couleur le temps de quelques secondes : autant de signes presque magiques venus rappeler à Bechkempir qu’une puissance primitive et rassurante veille sur son destin. Le Fils adoptif est le premier long métrage de Aktan Abdykalykov, mais celui-ci fait preuve d’une maîtrise impressionnante du cadre, du montage, de la lumière ; bref, du médium cinéma en général, et ce avec une sérénité qui est la marque des grands artistes. Le dernier plan, que je ne dévoilerai pas, résume avec un lyrisme tranquille la structure de l’œuvre et sa conception de la vie : un réseau complexe de chemins à la fois lumineux et imprévisibles.