Fans de Franck Drebbin et des Y a-t-il… ? (un flic, un pilote, un cinéaste derrière la caméra, etc.), autant vous mettre en garde tout de suite : Le Détonateur est un échec. Ni snobisme de ma part (je me faisais une joie de voir ce film), ni regard désabusé sur le genre, le jugement de valeur porté ici découle d’un constat quasi objectif : Leslie Nielsen ne fait plus rire (ou si peu). Pour preuve, les réactions du public pendant la projection ! D’abord jovials et surexcités (avant même que la lumière ne s’éteigne), les spectateurs ont tôt fait de rire machinalement, d’un rire gras et forcé, avant d’observer un silence inquiet, de souffler, et de siffler enfin les gags les plus désopilants, certains allant même jusqu’à cribler l’écran de points rouges lumineux. Pourquoi ce bide ? On s’en doute, l’histoire ne saurait en être la cause. Comme dans tous les films du genre, Le Détonateur se construit sur un semblant de structure scénaristique sans intérêt, prétexte à l’échafaudage des gags les plus divers (qui sont le véritable scénario du film) et à une série de pastiches des meilleures réussites du box-office.

Cette fois, Leslie Nielsen joue le rôle d’un violoniste de renom entraîné par une femme fatale dans un traquenard visant à lui faire endosser le crime du secrétaire des Nations Unies. Commence alors une traque sans merci du super vieillard d’Hollywood, qui ne cesse de clamer à qui veut bien l’entendre : « I’m wrongfully accused ! ». De quoi faire, théoriquement, un film bête et drôle comme beaucoup les aiment. Mais alors quoi ? A dire vrai, le budget démesuré du film semble être le fond du problème… Il y a, dans le premier épisode de Y a-t-il un pilote dans l’avion ?, un gag exceptionnel : un homme, au centre d’une piste de dancing, jette sa veste hors-champ en se crispant dans une superbe pose « disco » ; l’instant d’après, une « main invisible » lui a relancé sa veste en pleine tête, sans qu’il ait bougé. Ce gag plia tout le monde en quatre, car il s’avérait purement mécanique, à la fois simple et très bien rythmé. De Buster Keaton à Hot shots, cette règle était restée une constante. Il était acquis que le rire du public exigeait un tempo très précis de l’action, ainsi qu’une véritable chorégraphie géométrique du gag, bien plus que sa sophistication excessive. Le Détonateur est un film faible, car totalement exempt de cette construction élémentaire de l’espace comique. Chaque gag est une véritable prouesse technique superflue, noyée sous le flot de coûteux effets spéciaux. Cette surcharge d’images irréelles, trafiquées, empêche toute identification du spectateur à l’univers développé. Le gag n’est plus le lieu où notre réalité trébuche ; il rend compte d’un monde auquel nous sommes totalement étrangers, à tel point que rien n’y est plus vraiment incongru, comme dans un mauvais cartoon. Ne restent alors que la grivoiserie, les vieux relents misogynes et l’humour scato, tout ce sur quoi nous étions parvenus à fermer les yeux jusqu’ici.