En bon cinéaste grand-breton élevé devant la BBC, Kevin MacDonald aime tripoter la fiction et le documentaire, comme en témoignent ses deux premiers films, La Mort suspendue (2004) et Un Jour en septembre (2006, sur la prise d’otage de Munich). Surtout le premier, en fait, qui racontait l’épopée de deux alpinistes en difficulté, et reconstituait leur mésaventure avec des acteurs. Le Dernier roi d’Ecosse, adapté du roman de Giles Foden, est sa première fiction. Mais quand même : histoire d’un jeune médecin écossais (fictif) en quête de sensations qui, venu s’installer en Ouganda, tombe sous le charme du bien réel Idi Amin Dada, dictateur dément et sanguinaire,et devient son médecin personnel, son confident, son conseiller, son bouffon et aussi son complice. L’histoire est imaginaire, mais les exemples ne manquent pas de petits blancs tentés de jouer les sorciers en Afrique, aux mains tachées de sang. Sujet fort, scénario séduisant.

Le film est regardable, mais raté. Il y a un problème d’acteurs, un problème Forest Whitaker en particulier. Acteur brillant, évidemment très fort lorsqu’il se glisse dans la peau d’un phénomène tel que Idi Amin Dada. Mais il y a toujours quelque chose d’embarrassant avec de telles performances oscarisables, la sensation que Whitaker écrase un peu le film et le vampirise. Ne pas oublier que son meilleur rôle, outre Bird, reste Ghost dog de Jarmusch, où il joue justement un corps furtif, quelqu’un qui s’efface. Surtout, il y a un problème dans la relation au spectateur. Le film parie sur l’identification avec le personnage du médecin, symbole d’un regard occidental fasciné, volontiers naïf, désinvolte et complètement à côté de la plaque dès qu’il s’agit de l’Afrique. D’accord, mais il arrive un moment où l’aveuglement du bonhomme dépasse les bornes -on ne croit plus à l’acharnement du scénario. Et surtout, c’est gênant, Le Dernier roi d’Ecosse, s’il s’emploie à démontrer par coups d’éclats la folie spectaculaire d’Amin Dada, n’en fait qu’une affaire de théâtre et de coulisses. L’enjeu du film était, pourtant, aussi bien le rapport du médecin au tyran que le rapport du médecin aux atrocités qui ont marqué son règne. Mais de cela, presque rien ne sort. Comme si la folie quotidienne d’Amin Dada, ses manies, était le cœur de la question. Et s’il avait été un assassin froid, rationnel, et pas un maboul dégénéré ? Impression malsaine, un peu comme avec Shooting dogs, autre fiction BBC’s style sur l’Afrique (le Rwanda, en l’occurrence) : quand un Occidental est le cocu d’une tragédie africaine, toute l’empathie est téléguidée vers lui. Peut-être que cette fois encore Kevin MacDonald, pour traiter un sujet pareil, aurait mieux fait de s’en tenir au documentaire.