Pour son entrée dans l’univers du film d’action, James Foley (Comme un chien enragé, Glengarry Glen Ross) parvient à atteindre la qualité des plus beaux fleurons du genre. Son scénario, quoiqu’un peu compliqué à suivre par moment, est d’une rare efficacité : Nick Chen (le charismatique Chow Yun-fat) est un super-flic qui connaît Chinatown et ses triades sur le bout des doigts. Un jour débarque dans son service Wallace (Mark « Boogie nigthts » Wahlberg), un jeune blanc chargé de l’assister dans sa tâche de nettoiement du quartier chinois. Après un début difficile, les deux hommes sont confrontés au même problème : Henry Lee. Celui-ci se sert d’eux en les corrompant chacun à leur tour afin d’asseoir l’autorité de sa triade. L’histoire manie avec habileté des thèmes propres aux films d’action (l’amitié virile, la corruption policière, les rapports de fascination entre gangster et flics…) mais joue aussi de l’ambiguïté des positions de chaque personnage. Qui est le corrupteur, qui est le corrompu ? Et en filigrane, qu’est-ce qu’un bon flic ?

Le Corrupteur se révèle assez fascinant dans sa manière de traiter les séquences de pure action. S’y mélangent une esthétique années 70 (le premier plan sur Chinatown) qui fait penser aux polars du type French Connection et une ultra-violence très chorégraphiée directement issue de l’univers hong-kongais de John Woo. A cette fusion réussie s’ajoute une attention toute particulière du réalisateur pour ses cadrages, souvent très originaux, qui créent une dynamique visuelle stimulante. Mais c’est au niveau du montage des scènes d’action que le film apparaît le plus époustouflant, en dilatant par exemple le temps des poursuites en voiture, ou en morcelant à l’extrême certaines confrontations. Les scènes fortes retrouvent pour le coup leur sens premier, et sont autant de pics d’adrénaline efficaces.

En se prenant très au sérieux (aucun second degré sur le genre ne vient dédramatiser les situations), Le Corrupteur renoue avec brio avec l’univers poisseux et fascinant des films de gangsters. Loin, très loin de l’humour beauf et « yankee » des séries de L’Arme fatale ou de Piège de cristal.