D’abord décidé à signer un film de genre pur, Nicolas Boukhrief obtient une telle masse d’informations sur le milieu des convoyeurs qu’il s’engage, une fois n’est pas coutume, à davantage d’étude sociale. Coexisteront ainsi deux films, deux approches appréhendées avec application, sérieux et volontarisme. Un poil solennel, le film transpire son envie de bien faire, à l’image du personnage d’Albert Dupontel, mystérieux intrus au milieu des convoyeurs, barraqué comme Stallone, attentif, maladroit et mutique. Pas mal de nuances, pour autant de défis qui font du Convoyeur un film ancré dans la performance. Cela peut paraître prétentieux, c’est parfois le cas d’ailleurs, mais on sent davantage un Boukhrief fébrile à s’attaquer frontalement à un genre sinistré. Ce qui donne au film un aspect bringuebalant plutôt sympathique.

Mais à mi-parcours, le château de carte s’effondre. Toujours sur deux axes, Le Convoyeur ne fusionne ni ne choisit. Trop roublard, trop sinueux, le scénario prend soin de couvrir tout risque de carence de la mise en scène, à coup de voyages dans le temps et de retournements de situations téléphonées. Témoin le mystère vaporeux d’Albert Dupontel qui à force d’entretiens artificiels finit par sombrer dans une superficialité maniériste assez nuisible. Pressé d’en finir, Boukhrief lâche alors les rênes pour se prendre définitivement les pieds dans le tapis. Le thriller bouffe le social, mais par défaut, toujours à contre-rythme. Tous les édifices pourtant bichonnés au départ volent en éclats. La description des convoyeurs, par exemple, incarnés par des seconds couteaux trop populaires, se caricature à chaque scène. Et puis, il y a Dupontel, limite tout du long qui part en roue libre, la mimique de plus en plus bigger than life, menant le film vers une troisième voie indéterminable, comme si de Funès jouait du Jean-Pierre Melville. Finalement, Le Convoyeur se laisse mourir comme tant d’autres dans le no man’s land des thrillers franchouillards, source intarissable de tétanie, mais rarement d’inspiration.