Alors que plusieurs de ses réalisations antérieures demeurent toujours inédites en France, le nouveau long métrage de Hayao Miyazaki nous parvient aujourd’hui un mois seulement après sa sortie japonaise, grâce au relatif succès public, mais surtout critique, remporté en Occident par Le Voyage de Chihiro. La stratégie est donc maintenant rodée : projeté en grande pompe au dernier Festival de Venise – Le Voyage avait lui récolté un Ours d’Argent à Berlin-, Le Château ambulant bénéficie en outre du raz de marée médiatique déclenché par l’exposition « Miyazaki-Moebius » à la Monnaie de Paris, opportunément initiée par Gaumont, distributeur avisé des films du studio Ghibli en France. Nous sommes désormais loin des sorties confidentielles de Porco Rosso et de Mon voisin Totoro. Faut-il vraiment s’en réjouir ?

D’entrée de jeu, Le Château ambulant joue en effet une partition étrangement familière, outre celle, rebattue, du compositeur Joe Hisaishi : une jeune fille peu sûre d’elle est victime d’un sort qui la contraint à s’éloigner de ses proches pour échouer dans une forteresse pittoresque, dont elle devra découvrir les arcanes pour vaincre le maléfice. On aura reconnu le pitch du Voyage de Chihiro, sauf que l’héroïne se prénomme ici Sophie, qu’elle est transformée en mémé au lieu de voir ses géniteurs changés en cochons, qu’une Europe d’opérette remplace le Japon contemporain du Voyage, et qu’enfin l’intriguant Château ambulant du titre se substitue au Palais des bains de Yubaba. Pour le reste, on est en terrain connu : l’urbanisme patchwork du film est un prolongement de la cité de Kiki la petite sorcière, le film regorge des engins volants dont raffole Miyazaki, et la figure même du château est archi-récurrente au sein de son oeuvre depuis son premier long métrage, Le Château de Cagliostro (1979). Même Hauru, le lunatique maître du Château ambulant n’est qu’un avatar d’Haku, l’ambigu apprenti-magicien du Voyage, jusque dans ses dons transformistes et la malédiction qui le ronge de l’intérieur. Finalement, l’élément le plus original du film concerne le traitement des personnes âgées, toujours présentes chez Miyazaki mais placées ici au centre de l’action : c’est une Sophie grabataire qui promène ses rhumatismes tout au long d’un récit placé sur déambulateur. Cet aspect du Château ambulant – qui culmine lors d’une hilarante course-poursuite au ralenti sur les marches d’un palais – est de loin le plus émouvant, renvoyant sans doute au mal-être physique d’un réalisateur harassé par des années passées à sa table à dessin.

Ce manque d’inspiration global ne serait pourtant pas tant problématique s’il ne débouchait sur une oeuvre visuellement et narrativement boursouflée, d’une allure baroque confinant parfois au kitsch. Le Château ambulant cumule en effet les points faibles déjà repérés dans la seconde partie du Voyage de Chihiro : surenchère chromatique optiquement épuisante, emballement narratif confinant à la vacuité, dénouement expéditif, personnages secondaires exaspérants ayant pour seul rôle d’amuser la galerie. Malgré des moments de pur enchantement visuel, c’est là sans nul doute un Miyazaki mineur, qui devrait pourtant définitivement asseoir son statut d’artiste auprès du grand public, mais pose de sérieuses questions quant au devenir d’une oeuvre qui tend inexorablement vers la décadence depuis le sommet absolu que constitue Princesse Mononoke.

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