Cela fait longtemps que le cinéaste Garri Bardine enchante le monde de l’animation avec ses modestes films. On ne peut donc que saluer l’initiative d’Arkeéon film qui distribue enfin aujourd’hui trois court métrages du maître dans un même programme.
Le premier (Conte pour la route) date de 1981, et narre l’histoire amoureuse d’un petit camion qui tombe amoureux d’une jolie voiture de sport. Ce film n’est sûrement pas le plus intéressant de la sélection, il est particulièrement marqué par les stigmates de l’animation quasi-amateur de la fin des années 70 : technique hésitante et naïveté du propos (une vague critique de l’industrialisation). Le film a mal vieilli et peut sembler doucement dérisoire comparé à la production actuelle, mais les nostalgiques d’une animation sans argent mais intègre apprécieront sans doute.
Le second court, Hop là badigeonneurs !, est déjà plus intéressant. Réalisé en pâte à modeler (comme tous les derniers films du cinéaste) il a moins l’ambition de donner dans la critique social que d’être simplement drôle : deux peintres en bâtiment s’efforcent de repeindre un mur. Bien évidemment, les deux personnages ne s’entendent ni sur la couleur ni sur la manière de procéder. Les gags sont plus ou moins drôle, mais la technique d’animation est d’une méticulosité impressionnante : les deux personnages se mélangent, s’allongent, gonflent…

Arrive enfin le film majeur du programme, le Wallace et Gromit de la « collection Bardine » : Le Chat botté (1995). Quatre russes, dont le jeune Karabasov, entrent en possession de colis humanitaires américains. L’un d’eux contient un chat qui va emmener le jeune Karabasov dans une France de la Renaissance où, grâce aux manipulations de son ami félin, il deviendra marquis. Retranscription du conte de Perrault dans un univers plus contemporain, le Chat botté jette un regard cynique sur la société russe, tout en jouant avec les clichés qui lui sont associés. Ainsi les Russes semblent uniquement capables de se soûler et de faire la fête ; la Russie est représentée par une plaine aride et polluée où une bouteille de vodka et un peu de nourriture représentent le plus grand des trésors. Pourtant Garri Bardine n’essaie pas de délivrer un message quelconque. Il se contente de constater avec ironie la situation actuelle de la Russie. Plastiquement le film est magnifique, les expressions du chat comme celles de Karabasov sont criantes de vérités, et on peut à ce niveau qualifié Bardine autant d’acteur que d’animateur. Le choix de ne pas avoir sous-titré le film ne pose aucune difficulté, au contraire, il aiguise le regard sur l’action, très importante chez Bardine.
Ironiquement c’est le même jour que sort 1001 pattes, le dernier-né des studios d’images de synthèses Pixar parrainé par Disney. Faites votre choix.